Interview : Franck Le Moel

Ceci est une retranscription écrite du podcast enregistré avec Franck Le Moel fin février 2021.

Les Secrets du Kayak - Comment vas-tu aujourd’hui ?

Franck Le Moel : Écoute ça va très très bien, on revient d'une séance là, on profite d'une semaine de récupération avec d'attaquer la saison de compétitions.

Les Secrets du Kayak : Tu as commencé le kayak très tôt grâce à ton père, qui était athlète international en pirogue, il y a 20 ans. C'est bien ça ?

Franck Le Moel : Oui il faisait un peu de kayak, comme ça, à Guingamp en Bretagne, avec son frère dans des bateaux en fibre de verre.

Puis il a fait de la pirogue dans son coin, et il a fait parti des premières équipes de France.

C'est lui qui m'a initié très jeune, à huit ou neuf ans, avec mon frère de six ans.

On pratiquait un peu pendant les vacances en Bretagne, sinon dans l'Oise.

Je ne faisais pas parti d'un club.

Au départ, nous étions dans le Val-d'Oise au nord de la banlieue Parisienne.

Il nous avait acheté nos premiers kayaks d'initiation, et on s’entraînait à Cergy.

Puis il s'est fabriqué le sien, du coup on pratiquait à trois, sur le lac de Cergy.

Au début c'était pour s'amuser, pour évacuer mon énergie.

J'adorais me défoncer à l'entraînement.

Tu sais ce que c'est quand on commence le kayak de course en ligne, nous on essayait déjà de tenir dedans.

Et après le but était de pouvoir suivre notre père.

J'ai commencé directement dans un kayak de course en ligne, plus stable que ceux que j'ai actuellement.

Je n'ai jamais vraiment fait d'autres disciplines.

J'ai fait que très peu de descente ou de slaloms, mais j'ai fait du kayak de mer aussi.

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Les Secrets du Kayak : Vient ensuite l'inscription en club, puis la première compétition ?

Franck Le Moel : Ma première licence devait être au club de Cergy, je ne me souviens pas de la date.

Le but s'était de s’entraîner à trois, mais mon père a pris des licences pour qu'on puisse participer à des compétitions.

On était très loin de l'esprit club.

Je me souviens des premières compétitions oui, c'était pas mal de stress, l'envie de gagner !

La première ça devait être à Vaires-sur-Marne : une course de 200m, j'ai du m'arrêter à 180m, je cherchais mon père du regard pour dire "c'est quand l'arrivée" ?

Du coup je me suis fait doubler, je n'étais pas sur le podium. J'avais 9 ans je crois.

J'ai toujours voulu bien faire, et très jeune j'ai vu que j'avais ces qualités de sprints.

La compétition la plus importante dans mes souvenirs c'était "les régates de l’espoir", c'était les championnats de France pour les plus jeunes, les minimes vers 13-14 ans.

J'avais fait quatrième en 500m et troisième en 500m biplace.

C'était à Vichy en 2004 ou 2006, je ne sais plus.

Les Secrets du Kayak : Comment était l’entraînement à cette époque ?

Franck Le Moel : Faire de la préparation physique globale je détestais, mon père me forçait un peu à en faire et du footing le soir après l'école.

Il nous apprenait aussi à faire un peu de musculation au poids de corps : traction, pompe, gainage, abdos, tranquillement.

Le mercredi après midi, il nous emmenait à Cergy, et le samedi aussi, et parfois le Dimanche.

C'était un rythme comme celui du club mais c'était pas voulu, on suivait le rythme scolaire.

Les Secrets du Kayak : Donc tu t’entraînais tous les jours en comptant la PPG?

Franck Le Moel : Pas tous les jours à 9 ans, mais oui on s’entraînait régulièrement.

Surtout dès que j'ai voulu rentrer en pôle espoir, j'étais au lycée.

A partir de là, j'ai commencé à m’entraîner plusieurs fois par jour.

Pour passer les tests de sport étude à Caen, j'étais moins entraîné que les autres.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu as rejoins un club pour rentrer en sport étude, ou est-ce que tu t'es toujours entraîné avec ton père?

Franck Le Moel : Je suis passé par plusieurs clubs au grès des déménagements, je suivais mon père dans ses clubs de pirogue.

J'ai eu une licence auprès de La baie des Phoques dans la Somme, une autre dans un club en Picardie.

Le club dans lequel j'ai commencé c'était à Champigny-Sur-Marne, pas très loin de chez moi.

J'y ai fait mes premières compétitions, mes premiers championnats de France en Minimes. Premières médailles. Et j'ai vite rejoins le club de Mantes-la-Jolie en septembre 2006, pour la saison 2007.

On cherchait le meilleur club de course en ligne de la région quitte à faire 45 minutes de route pour visiter le club.

J'en ai un super souvenir. Il y avait Medy Bédée à cette époque là.

C'était tout nouveau pour moi qui ne connaissait pas l'ambiance d'un club, ça m'a plu et tu vois aujourd'hui je suis toujours au club de Mantes-la-Jolie, et j'y resterai jusqu'à la fin de ma carrière.

Les Secrets du Kayak : Avais-tu déjà l'esprit de compétition ?

Franck Le Moel : Je ne me suis jamais dit que je ferai les Jeux olympiques, du moins pas à 9 ans.

Ce n'était vraiment qu'une histoire familiale, se donner à fond avec mon père.

La compétition est venue après.

J'allais aux compétitions pour lesquelles mon père m'inscrivais, sans trop savoir ce qu'il se passait.

Je voulais gagner celles auxquelles j'étais inscrit, mais je n'avais pas de vision à long terme.

Je n'avais pas de modèle, de personne qui suivait le parcours fédéral avec la structure club.

C'est arrivé tard, lorsque j'étais en pôle espoir.

C'est là que j'ai compris qu'il fallait performer sur les compétitions pour entrer en équipe de France, puis championnat d'Europe, puis championnat du Monde, et après les Jeux olympiques.

Les Secrets du Kayak : Après avoir terminé troisième et quatrième aux régates de l'espoir, tu décides de rentrer en pôle espoir ?

Franck Le Moel : Non, un peu plus tard quand j'ai fait quatrième sur le 500m monoplace ça m'avait frustré. Je n'avais pas eu ma médaille !

C'est venu de là, à ce moment j'ai su que je voulais gagner, être premier, être sur les podiums.

C'est venu en intégrant le club de Mantes.

Et après c'est Medy qui m'as expliqué que je pouvais entrer en sport étude : un aménagement avec l'école, entraînement le matin avant les cours et le soir après les cours.

On s'est challengé avec des amis pour passer les tests.

On voulait tous les trois rentrer en première en sport étude, trouver un structure avec toute la préparation nécessaire : Benjamin Tournade, Pierre Bailleul et Félicien Divry.

Les tests étaient complets. Ça se passait à Saint-Laurent-Blangy, à l'époque.

Test de souplesse, maximum de pompes, maximum de tractions, explosivité, maximum de corde à sauter, un 2000m, un 200m, de la course à pied…

Au final j'ai été pris avec Pierre Bailleul en première, sur le pôle espoir de Caen en Normandie.

Lors de l'entretien tu pouvais émettre des souhaits, les justifier, mais ça dépendait aussi de ta situation géographique.

Mantes-la-Jolie était assez près de Caen, et à l'époque c'était l'établissement qui avait la meilleure réputation à la fois pour la partie scolaire et sportive.

Hervé Duhamel était l’entraîneur de l'époque.

Les Secrets du Kayak : Comment ça s'est passé ?

Franck Le Moel : Ça été la découverte du haut-niveau.

J'avais 16-17 ans, j'ai du partir dans une nouvelle région, je découvre le pensionnat.

On était des centaines d'élèves et pas que des sportifs.

C'était avant tout un lycée classique, qui intégrait des classes sportives : judo, hand-ball et encore d'autres athlètes.

C'était vraiment bien !

Dur au début, j'ai du encaisser les entraînements structurés, deux fois par jour.

La charge était plus lourde que ce que je pratiquais avec mon père.

Passé le temps d'adaptation avec des hauts et des bas : je pense que j'étais pas mal stressé jusqu'à mes 18 ans.

Il y avait la sélection de l'équipe de France de junior 2, dernière chance de rentrer dans l'équipe de France chez les jeunes, à la fin du pôle espoir.

J'ai eu un déclic : j'avais fait un 1000m que j'avais foiré complet, et après j'avais un 500m où j’étais pas trop mal, mais insuffisant.

J'étais classé huitième et seul les six premiers étaient pris en équipe de France.

Je me souviens, il y avait un athlète qui était encore derrière moi au 1000m, qui s'est rattrapé au 500m et qui a été sélectionné.

Ça m'a appris que rien n'était joué, que ça ne servait à rien de stresser.

Ça s'était passé à Mantes-la-Jolie.

Deux jours après il y a eu les inter-régions, une compétition avec la région Nord.

Et j'ai du battre tous ceux qui avaient été sélectionnés en équipe de France deux jours avant.

C'est là que je me suis rendu compte que je stressais pour rien.

Je me suis senti libéré, j'étais capable de gagner !

A la fin de cette année là il y avait les championnats de France, c'était la fin de ma saison puisque je ne faisais pas d'autres championnats.

J'ai fait vice-champion de France. Je m'étais bien libéré de tout ce stress qui t'empêche de gagner.

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Les Secrets du Kayak : Tu poursuis les études ensuite ?

Franck Le Moel : J'ai eu mon Bac, donc évidemment tu quittes le lycée et le pensionnat.

J'ai voulu rester à Caen, j'ai passé un DUT technique de commercialisation.

Je voulais profiter de la structure du pôle espoir qui me restait accessible malgré mon âge.

Il y avait Sébastien Jouve qui s'y entraînait, Jeremy Candy, on était plusieurs à vouloir profiter du canal, de la structure pour s’entraîner.

J'ai passé mon DUT, et là je suis tout seul, ce sont des études assez lourdes.

Beaucoup de cours, pas d'aménagement pour l'entraînement à l'époque pour cette filière.

J'ai mon appartement étudiant, je n’ai que très peu de moyens financiers.

J'allais aux entraînements à vélo, sachant que je vivais en haut d'une importante pente.

Je m’entraînais tout seul après les cours.

Au bout de deux ans, je me suis questionné !

Je n'étais toujours pas en équipe de France de moins de 23 ans : qu'est ce que je fais ?

Je quitte Caen pour aller vivre à Mantes-la-Jolie, où je n'avais jamais vécu finalement.

Je continue le Kayak mais différemment, 100% tout seul et à l'instinct.

Donc je quitte le coté structuré de l'entraînement club.

C'était flou mais j'ai toujours fonctionné à l'instinct.

J'ai fait une licence « chargé d'affaire en ventre de solution durable » en alternance à Saint-Germain-en-Laye.

La moitié du temps j'étais à l'école, l'autre moitié en entreprise, en négoce. J'ai passé de super années !

J'ai fait de la musculation exclusivement pendant 4 mois. Ça m'a permis de réduire un déficit physique que j'avais, et de rattraper un retard important par rapport aux autres.

Aucun entraînement de kayak pendant quatre mois. Je me sentais bien comme ça.

Au printemps, je suis remonté sur le bateau en calquant les entraînements sur de l'athlétisme et sur le sprint, c'était en 2012 année de ma Licence.

Et là je me sélectionne pour l'équipe de France.

J'ai fait des séances d'entraînement très techniques et beaucoup de sprints toujours à la sensation.

Je fait premier en moins de 23 ans. C'était les sélections olympiques, je fait sixième au général.

Je n'en revenais pas !

Je n'avais aucune prétention, je suis arrivé aux sélections avec zéro pression et j'ai claqué des scores de dingue.

Je suis arrivé sur ma première saison comme ça.

J'étais très fier, comme mon père et comme le club.

Après pour les moins de 23 ans, il n'y avait que le Championnat d'Europe.

J'ai pris une correction, j'ai fait dix-huitième au Portugal.

J'avais 21 ans en 2012 et j'ai découvert petit à petit le haut niveau, les compétitions internationales, ce qu'était l'ambiance au sein de l'équipe de France. Ça m'a plu et je voulait faire mieux.

Comme le disait Hervé Duhamel il y a deux types de personne : "ceux qui veulent gagner et ceux qui ont peur de perdre. Ceux qui ont peur de perdre, ils vont perdre, et ceux qui veulent gagner, peut être qu'ils vont gagner."

Avoir envie de gagner, ça m'a aidé par la suite clairement.

Il me restait encore deux ans dans la catégorie des moins de 23 ans. Et j'ai gagné les deux années suivantes.

Les Secrets du Kayak : Toujours en t’entraînant à l'instinct ?

Franck Le Moel : Non, j'ai découvert ce que c'était que les entraînements en équipe de France

C'est Claudine Leroux qui me supervisait à cette époque. Une femme très importante dans ma carrière, que je salue, et que je remercierai toujours.

Elle entraînait sur le pôle France à Rennes.

Elle avait une approche très qualitative et très à l'écoute, elle s'adaptait beaucoup.

Je voulais m’entraînait avec elle !

Moi on m'avait proposé le pole France dans la Marne. J'ai demandé à aller sur Rennes pour travailler avec elle. Ça été compliqué mais j'ai réussi à partir sur Rennes.

J'ai eu ma licence, je voulais poursuivre sur un Master.

Tous les concours pour les écoles étaient déjà passés ! Trop tard.

Puis je trouve une super école de commerce, c'était trop ambitieux pour poursuivre les ambitions kayak avec l'équipe de France.

Et puis ça coûte cher les écoles de commerce. Et en plus l'enseignement était exclusivement en anglais.

J'ai appelé, j'ai passé un entretien et des tests. J'ai bossé mon anglais tout le mois d'août.

Je n'étais pas le meilleur, mais je leur ai dit qu'ils pouvaient compter sur moi pour me rattraper et tout donner : il m'ont accepté sur motivation !

Ils me rappellent pour me dire que je commence dans deux semaines : je n'ai pas de logement et à Rennes il me reste ma dernière semaine de cours en Licence.

C'est Guillaume Burger à l'époque qui m'a hébergé gracieusement avec tout mon bazar, il s’entraînait aussi sur le pôle France de Rennes à l'époque. Je le remercie au passage.

Et voilà j'intègre un pole France pour la première fois de ma vie.

Les Secrets du Kayak : Et comment c'était cette expérience de pôle France?

Franck Le Moel : Un cran au dessus du pôle espoir.

J'avais un déficit non pas musculaire, mais de foncier.

Je n'avais pas autant de caisse que les autres !

Donc j'ai travaillé dessus pendant ma première année, de Master en fait. J'avais repris le même rythme que pour intégrer l'équipe de France, je me levais tôt le matin, je rentrais tard le soir.

C'était l'année des championnats du monde de moins de 23 ans en 2013.

Pour la première fois je rentre en finale, je fais septième en 200m.

Après j'ai été pris au championnat du Monde, j'avais loupé la finale à une place et je gagne la finale B ensuite.

Du coup belle progression par rapport à ma place de dix-huitième au championnat d'Europe. L'année suivante, la dernière année de mon Master, il me fallait trouver un stage en entreprise de six mois. Compliqué pour un sportif !

Lors d'un entraînement à Rennes, un entrepreneur vient pour tester une caméra qui te suivait automatiquement : tu portes un bracelet, alors que la caméra est posée sur un trépied et elle te suit automatiquement.

Le marché visé était celui des sportifs, ça m'a plu, ils étaient basés à Brest. Donc à 3heures de route de Rennes.

Je leur ai demandé s'ils cherchaient un stagiaire. Ça les a intéressé, leur marketing naissait tout juste. J'ai encore marché à l'instinct !

J'ai négocié avec lui, je faisais deux jours à Brest, et le reste du temps à Rennes. C'était compliqué de faire de la course en ligne à Brest, et c'est là où j'ai fait du kayak de mer.

Avec mon camarade Bruce J. on s’entraînait à 7h le matin, et le soir. On s'est motivé à deux, les entraînements de nuit dans la mer de Brest après le boulot.

Et ça m'a énormément apporté en course en ligne.

Dans l'approche du mouvement, de la glisse, tu utilises beaucoup moins les jambes, ton gainage doit être très solide.

Tu dois t'adapter sans cesse aux vagues, qui sont importantes.

Mon avancement de bateau est devenu intéressant par la suite.

Donc en 2014, c'était ma dernière année chez les moins de 23 ans.

Je suis repris en équipe de France : je gagne à nouveau.

Et il y avait les championnats d'Europe à Mantes-la-Jolie donc dans mon club : improbable !

J'étais en K1 200m et en K2 avec Guillaume le Floc.

Et on fait la médaille de Bronze, la première médaille internationale pour moi et pour lui sur un événement majeur.

Et j'avais fait cinquième en K1.

J'ai une évolution lente mais assez constante au final.

Après au championnat du Monde, j'ai fait septième pour le première fois en monoplace.

Et ensuite je suis allé sur le pole France de l'INSEP.

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Les Secrets du Kayak : Tu as toujours eu en tête de faire du 200m ?

Franck Le Moel : C'était ma qualité première, le sprint.

Au fil du temps elle a évoluée, je ne suis pas mauvais sur le 500m, notamment dans les équipages, en 4 places, bateau que j'affectionne.

Le K4 500m m’intéresse d'avantage actuellement, d'ailleurs en 2018, on rentre en finale sur le kayak 4 places sur 500m et on fait sixième.

Les Secrets du Kayak : Pourquoi finalement l'INSEP et Vaires-sur-Marne alors que tu ne voulais pas y aller à la base ?

Franck Le Moel : Claudine m'y a poussé, j'avais d'autres choses à découvrir, d'autres choses qui pouvaient m'apporter que du mieux.

Donc nouveau changement de vie.

J'ai eu mon Master donc je déménage dans la région parisienne.

Plus tu travailles moins tu peux t’entraîner, mais du coup tu gagnes de l'argent, et plus tu t’entraînes, moins tu peux travailler et donc là tu as des soucis financiers.

En 2015, je dormais dans l'INSEP, ça coûtait une blinde, il fallait payer au trimestre.

C'était dur, horrible !

J'ai trouvé un petit job à Décathlon au rayon montagne, sur un contrat de 10h. Je n'ai pas aimé.

Tu ne gagnes pas assez pour un loyer, ni pour manger, ni pour payer l’essence.

Il fallait que je m’entraîne.

Impossible de trouver un travail qui t'arrange, où on te comprends, il y a des métiers où c'est juste pas possible.

François During, mon entraîneur pensait que je bossais 60h par semaine, mentalement c'était pareil. J'y allais à reculons, j'avais un gros soucis d'argent, je ne savais plus quoi faire.

Je suis allé à mon club de Mantes-la-Jolie qui était aussi un club omnisports assez conséquent.

J'y suis allé au culot : j'ai étalé mon CV et leur ai fait la liste des besoin du club de mon point de vue d'adhérent, ça c'est bien passé.

Ils ont créé mon poste, je me suis débrouillé pour remplir mes missions. Du coup j'étais sur place pour m’entraîner.

Je me suis entraîné tout seul à nouveau. Mais je pouvais partir de temps en temps à Vaires-sur-Marne pour m’entraîner avec François During.

J'étais donc devenu chargé de communication et de partenariat, responsable de la communication de tout le club. Il y a beaucoup de travail avec autant d’adhérents. Et j'y suis toujours.

Les horaires étaient bien définis, je ne m'entraînais pas toujours seul.

Majid Jabbour et Benjamin Tournade des amis et personnes importantes pour moi.

Majid s’entraînait à fond pour participer aux Jeux avec l'équipe marocaine car il avait la double nationalité.

On s’entraînait à trois, deux fois par jour.

J'étais mieux payé. Je pouvais arranger mes heures. Je pouvais payer mon loyer, manger.

J'étais serein !

Les Secrets du Kayak : Pendant longtemps tu as fait des vidéos sur Youtube, j'ai beaucoup aimé ce contenu lors de mes premières recherches sur la discipline, dommage que tu aies arrêté !

Franck Le Moel : Pour combler les temps morts en compétition, je me suis mis à faire des photos des autres.

Ça rendait service à tout le monde. Je prenais des photos, des vidéos.

Je combattais le stress de l'attente entre deux épreuves.

J'aime bien, je continue encore aujourd'hui. Et ça permet de partager avec les amis, la famille...

Après j'ai perdu un peu l'habitude des vidéos youtube par rapport aux autres canaux de communication que sont facebook et compagnies.

Les Secrets du Kayak : Je me souviens d'une vidéo faite sur un stage à Dubaï non ?

Franck Le Moel : A Abou Dabhi, c'était un premier stage senior en 2015.

Après ma médaille de championnat d'Europe, c'était mon premier stage avec les grands.

C'était un super endroit mais on ne l'a pas renouvelé ensuite car d'une part ça coûtait trop cher, et d'autre part le loueur de kayak sur place a cessé son activité.

Encore un moment unique dans ma vie, des gars super forts. J'en ai vraiment bavé !

Les Secrets du Kayak : C'est grâce à cette vidéo entre autre que tu trouves ton sponsor Beautysané ?

Franck Le Moel : J'ai plusieurs partenaires, Beautysané c'est un partenaire de compléments alimentaires qui m'accompagne depuis 2016.

J'avais une hernie discale à l'époque suite à une erreur en finale de coupe du Monde où je fait deuxième, et après repos pendant 4 mois.

Puis de la rééducation. On a tout repris jusqu'à comment j'étais assis dans mon bateau.

C'est le kiné qui a réussi à me sponsoriser avec Beautysané.

Au final, mes connaissances étaient insuffisantes dans les bienfaits des micro nutriments. Aujourd'hui je fais attention à varier les plats, à me supplémenter.

La nutrition c'est ton carburant mais ce n'est pas que ça.

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Les Secrets du Kayak : Qu'est ce que tu as changé techniquement suite à cette hernie ?

Franck Le Moel : J'ai changé mon siège qui au final bloquait mon bas de dos, pour un siège plus plat qui permet de favoriser mon gainage et ma transmission plutôt que me tasser sur une vertèbre.

Encore une opportunité d'apprendre de ses erreurs pour progresser.

Mon gainage était bon sauf au niveau des jambes.

Très attentif aux étirements, au sommeil !

Dans mon parcours il y a eu très peu de place au sommeil, je ne recommande pas de suivre cet exemple.

Je me suis déjà endormi au volant tellement je dormais peu (époque de ma Licence).

Donc pas beaucoup de place pour la récupération. Ça m'arrive de faire sauter une séance si je suis trop fatigué. Pour moi c'est mieux que de se faire mal.

Aujourd'hui, je n'ai pas tant de séquelles de ma hernie.

Juste une inversion de courbure au milieu du dos. Donc mon dos n'amortit pas comme celui des autres athlètes.

Je sais que je dois faire attention, faire des étirements, tous les soirs 15-20 minutes de la chaîne inférieure et du dos.

Les Secrets du Kayak : Tu as mis combien de temps à revenir au niveau après te hernie ?

Franck Le Moel : Je loupe en 2016 les championnats K2.

Quatre mois sans aucun effort, j'ai perdu le peu de muscle que j'avais.

Quand j'ai repris, c'était douloureux.

C'est compliqué pendant plusieurs mois, et d'un coup ça revient.

Tout revient : le musculaire, la gestuelle, la technique.

En 2017, je fais ma première sélection officielle en équipe de France en senior, suivie de mon premier championnat du Monde senior en 2017 en K2 200m.

L'année suivante je passe sur un bateau olympique, le K4 500m on rentre en finale avec la sixième place.

Les Secrets du Kayak : Pendant tout ce temps donc tu t’entraînes à Mantes-la-Jolie et à Vaires-sur-Marne ?

Franck Le Moel : Jusqu'en 2018 à Mantes-la-Jolie avec quelques entraînements à Vaires-sur-Marne.

Et ensuite j'ai demandé à mon employeur de me laisser travailler à distance.

Ainsi j'ai pu partir à Vaires-sur-Marne. J'ai de la chance d'avoir un employeur qui me fait confiance.

En 2019, on prépare les sélections pour les Jeux.

Ma place est à l'avant du bateau, donc tu es responsable de l'embarcation. J'ai prouvé ma valeur.

J'étais certain que tout se passerait bien pour les sélections du championnat de France puis du Monde et pour la sélection des Jeux.

Et rien ne s'est passé comme prévu !

La semaine précédente, blessure du dos : je n'ai pas pu participer aux sélections de l'équipe de France.

Embarras chez les sélectionneurs, les équipiers.

Ils ont gagnés. Idem pour la coupe du monde, ils ont fait deuxième.

Et à la deuxième coupe du Monde, ils ont voulu réessayer avec moi.

Ça a créée des tensions de dingue dans l'équipe, ils ont dégagé un athlète du K4 entre les deux coupes du monde pour me mettre moi.

Sauf que moi je reviens de blessure, je n'ai pas pagayé pendant deux semaines, je suis nul !

On fait quatrième à quelques dixièmes de seconde du podium.

Du coup ils ont repris les athlètes de la première coupe du monde pour la sélection olymique.

J'ai regardé la course depuis les tribunes pour les championnats du Monde en Hongrie, et les voir faire la pire place : huitième !

Celle qui prive des Jeux Olympiques. Et aujourd'hui le K4 français n'est pas aux Jeux.

J'ai été spectateur de ça sans pouvoir rien faire, c'était très très dure, je l'ai très mal vécu.

Malgré tout aux championnats du monde, je fait quand même fait sixième en K2 200m avec Aurélien Le Gall, merci à lui !

Les Secrets du Kayak : Maxime Beaumont était trop loin devant sur le 200m ?

Franck Le Moel : Alors comme il n'y a plus le K4, l'équipe s'est scindée en deux.

Donc maintenant je vais chercher le 200m, les autres le 1000m.

Si je m'aligne c'est que j'ai de l'espoir, sans espoir j’arrête, ça sert à rien.

Donc je ne pense pas qu'il soit intouchable.

C'est un grand athlète, mais il n'est pas impossible à battre. Et je ne suis pas le seul à pouvoir prétendre à le battre !

Les Secrets du Kayak : J'ai vu que tu avais un ergomètre ?

Franck Le Moel : Avec le confinement, on a tous analysé la situation.

Personne n'était préparé, personne ne pouvait se préparer, on a tous réfléchit à quelle était la meilleure option : s'entraîner tout seul sur un lac dans la pampa ?

Certains se sont fait choper...

Ton stress, ta priorité c'est de t'entraîner, ne pas perdre ton niveau.

Moi je suis en appartement, pas de jardin, donc j'ai choisi de m’entraîner sur un ergomètre oui.

François During essayait de me faire les mêmes types de séances comme si de rien n'était, et moi je les faisais, en faisant super attention à la disposition pour ne pas taper les meubles.

Je faisais des séances de EB1.

En fait je connaissais déjà le principe de la machine à pagayer, j'en faisais le soir en rentrant de l'école avec mon père qui en avait une.

Comme toi j'ai rencontré des limites pour sprinter !

J'ai contacté le vendeur et je ne l'ai pas lâché, on traitait le problème en visio et il m'a envoyé une paire de poulies supplémentaires chose absolument pas prévue de base.

Du coup la corde était maintenue dans la pagaie, elle ne glissait plus.

Sur l'ergo, ce n'est pas la même longueur que sur l'eau, j'ai suivi les recommandation du constructeur pour avoir un équivalent.

Il faut toutefois que la pagaie soit assez grande pour avoir quasiment la même résistance que dans l'eau.

Pour la vitesse ce n'est pas précis.

Une DanSprint est plus précise pour ce paramètre que la KayakPro.

Les Secrets du Kayak : Tu disais être en 2m20 pour la pagaie ? Tu as quoi comme pagaie ?

Franck Le Moel : J'ai une Braca 2 Min en 2m20,5 pour une taille de 1,88m 80-82 kg.

Je suis un poids plume, je suis assez sec.

Le médecin m'alerte pour ne pas descendre en dessous.

J'ai un métabolisme qui pompe de l'énergie à fond. J'ai un taux de masse grasse à 6%

J'ai aucun contrôle dessus, je peux manger comme une oie, ça ne change rien.

Et mon bateau c'est un Nelo, ça fait très longtemps que je l'ai.

C'est un Sete, beaucoup restent en Cinco ; les deux sont très bons.

Il n'y a pas beaucoup de différence, par contre entre le 4 et le 5 la différence était flagrante.

Mais non entre le 5 et le 7 c'est très similaire.

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Les Secrets du Kayak : Tu es fort en musculation ?

Franck Le Moel : J'ai un bon rapport de puissance.

Je ne suis pas à fond, ce n'est pas ma priorité.

Mon max en développé couché c'était 155kg pour 80kg de poids de corps. Et en tirage planche en calant les pieds j'ai fait 125 kg.

Je fait plutôt de l’haltérophilie. J'ai un préparateur physique dédié à ça depuis 3 saisons.

On varie beaucoup pour éviter de travailler toujours les mêmes segments.

Pour le bateau on recherche la puissance combiné à l'endurance, l'explosivité, la souplesse et la force.

Les Secrets du Kayak : Tu as pris goût aux séances d'aérobie via la course à pied par exemple ?

Franck Le Moel : La course à pied j'aime bien, tout seul pour courir à mon rythme.

Le ski aussi où je suis en seuil bas pendant 2h.

Mon erreur c'est de suivre des mecs qui n'ont pas le même rythme.

Je connais bien mes pulsations, pas besoin de cardio fréquence-mètre.

Je suis à 176 pulsations en max. Je fais plus à la sensation qu'à la ceinture cardio.

Le piège c'est de regarder sa montre et ne pas être focus sur ta séance et ton mouvement.

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu fais de la méditation ?

Franck Le Moel : Oui depuis le confinement, avec l'application petit bambou.

Je n'en fais pas souvent mais c'est très intéressant pour vivre dans le moment présent, laisser passer les éléments négatifs, ne pas laisser son esprit divaguer.

Ça m'a aidé à me focaliser sur des éléments positifs pour ne pas stresser et penser au négatif.

En ce moment, je travaille avec un psychologue, pour régler des choses perso mais aussi travailler sur moi, des manières de penser, avec une personne réelle et non pas une application.

Le but est de me préparer aux Jeux sereinement, j'essaye une nouvelle approche.

Les Secrets du Kayak : Quels sont tes points faibles en technique ?

Franck Le Moel : J'en ai un tas !

Je peux me crisper et perdre mon allonge donc l'efficacité, me baisser un peu trop et dégager un peu de retard, être un peu trop loin derrière.

Après ce sont des points physiques sur lesquels je ne suis pas le meilleur.

Et puis ça peut varier, je m'améliore et je galère sur d'autres points, mais l’entraîneur est la pour t'avertir.

Les Secrets du Kayak : Étant sprinter , tu as beaucoup de séances EB1 EB2 et pas que de l'intensité ?

Franck Le Moel : Les séances de sprint sont minoritaires mais ça dépend aussi de la période de l'année, en hiver il n'y en a pas trop tu fais du foncier.

Mais le kayak c'est surtout de l'EB1, je le privilégie à des seuils bas pour la technique le travail respiratoire.

Ça sert à enchaîner les compétitions sans te cramer.

Les Secrets du Kayak : On est en 2021, les Jeux approchent. Il y a moyen de rattraper le K4 500m avec les rattrapages continentaux ?

Franck Le Moel : S'il y a un K4 en gros, ce ne sera pas par les rattrapages.

La seule manière c'est que des gars de projets différents se sélectionnent, se regroupent pour former un K4.

C'est très particulier à expliquer. C'est de la bidouille.

Donc si je veux participer aux Jeux, ce sera par le K1 200m.

Nous sommes plusieurs sur le coup, que le meilleur gagne !

Vous pouvez retrouver Franck Le Moel sur son compte instagram.

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