Interview : Claudine Le Roux
Ceci est une retranscription écrite du podcast enregistré avec Claudine Le Roux en mars 2021.
Les Secrets du Kayak - Comment vas-tu aujourd’hui ?
Claudine Le Roux : Ça va très bien, la journée commence bien et avec le soleil. On ne peut rien demander de plus pour l'instant.
Les Secrets du Kayak : Peux te présenter rapidement ?
Claudine Le Roux : Entraîneur, je suis conseiller technique national de kayak.
Je viens de la région de Lorientaise, du club d’Inzinzac-Lochrist.
J'ai passé la majorité de ma carrière à Pontivy.
Je suis professeur de sport.
J'ai commencé en tant qu'éducateur sportif, entraîneur national et ensuite professeur de sport.
Je traîne dans le milieu du kayak depuis le siècle dernier.
Les Secrets du Kayak : Raconte nous tes débuts en kayak.
Claudine Le Roux : 1983, la Transmorbihannaise.
Une de mes premières compétitions que me reste en mémoire.
À l'époque, c'était une course assez prisée par les compétiteurs (avec des départs sur le blavet)
Ma première fois dans un bateau, c'est parce qu'à l'origine, je faisais du handball, du judo, du tennis, de l'athlétisme.
Un jour, je suis passée sur une passerelle, j'ai vu des gens qui faisaient du kayak, ça m'avait l'air pas mal, j'y suis allée et je n'en suis jamais repartie.
J'ai commencé sur un bateau slalom, je suis en Bretagne quand même !
En Bretagne, tu fais de la pluridisciplinarité : j'ai fait la rivière, la mer ... J'ai touché un peu à tout.
La course en ligne m'a attiré rapidement par les équipages. J'ai vu qu'il y avait du K2 du K4.
J'ai commencé en monoplace et ensuite, j'ai eu le droit de faire du K2 du K4 avec des filles du club.
J'avais 19 ans.
C'est un peu tard, j'étais plutôt sur des sports terrestres avant.
L'eau ne m'a pas attiré tout de suite. Les sports d'équipe, le judo un peu, le tennis, et j'aimais beaucoup l'athlétisme.
Je pratiquais le 800m, le 400m. Pareil, j'ai touché un peu à tout.
J'ai eu la chance de rencontrer des professeurs, des entraîneurs qui m'ont vraiment fait aimer le goût de l'activité sportive.
J'aimais bien la longueur, le javelot, je n'aimais pas les haies.
J'aimais découvrir d'autres choses, je n'ai pas forcément performer tout de suite, mais touché à tout.
À l'école je faisais de l'UNSS, j'aimais bien les cours de gym. C'était vraiment la pratique d'abord.
Les Secrets du Kayak : A dix-neuf ans, tu commences par le slalom, tu mets combien de temps avant de te mettre à la course en ligne ?
Claudine Le Roux : Je n'ai pas fait de slalom en rivière. Ça ne me parlait pas à ce moment là.
À l'époque, on montait dans les bateaux de slaloms, on apprenait à les diriger et ensuite on commençait en CAPS dans des bateaux à fond plats.
Ensuite, j'ai essayé les bateaux de vitesse, je venais au club juste pour tenir dans le bateau, en restant près du bord, et un jour, je suis partie, et de là, je ne me suis jamais arrêtée.
Avant de tenir j'ai beaucoup nagé, mais j'ai eu la chance de commencer au mois de juin donc j'ai fait ça jusqu'à la fin de l'été et c'était bon.
Les Secrets du Kayak : Obtiens-tu rapidement des résultats en course en ligne ?
Claudine Le Roux : En équipage club, on avait à Lochrist un K4, on a été médaillé en championnat de France à Vichy.
Dans les clubs, c'est dur d'avoir assez de filles pour remplir un équipage, et là on était cinq-six filles.
Il y avait de quoi faire des équipages, et c'était ma première médaille en équipage.
C'était en 1984-1985.
Je crois que j'étais déjà athlétique, j'aimais le goût du challenge, j'allais jusqu'au bout des objectifs.
L'idée pour moi, c'était de tenir dans mon bateau et d'aller vite pour pouvoir suivre les autres filles qui étaient déjà en avance sur moi.
Donc ça m'a pris tout l'été : je n'ai rien lâché !
Je pense que par ma pluridisciplinarité j'avais de la coordination, je faisais beaucoup de course à pieds donc j'avais de la caisse.
Je suis aussi tombée sur les bonnes personnes à ce moment-là pour mettre en œuvre tout ce qui attrait à cet équilibre dans le bateau de course en ligne : la propulsion et l'équilibre.
C'est cette combinaison qui freine l'évolution si on ne la gère pas tout de suite.
Les Secrets du Kayak : Y’avait-il d'avantage de pratiquants à l'époque ?
Claudine Le Roux : À peu près pareil, peut-être que les clubs ont un peu plus de mal depuis quelques années à recruter les jeunes ou à les garder.
Après, je peux parler du club de Pontivy où il y avait une forte dynamique par ses pratiquants.
Au club de Pontivy, il y a Olivier Boivin, Bertrand Hémonic qui sont aussi des compétiteurs.
Olivier a été médaillé des Jeux en 1992.
Il y avait déjà une pratique compétitive de haut niveau dans ce club, et il y avait beaucoup de jeunes.
La médaille d'Olivier a drainé beaucoup de jeunes à l'époque.
C'est encore comme ça aujourd'hui. Je ne dirais pas qu'il y a moins de jeunes, je dirais que les générations sont différentes.
Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu as rapidement atteint le haut niveau en kayak ?
Claudine Le Roux : Oui, je suis entrée en équipe de France en 1986, soit deux ans après mes débuts.
Au départ, les compétiteurs étaient classés en série : première série, deuxième série, troisième série.
C'était suite aux courses que tu faisais par rapport à l'écart que tu avais avec le premier, tu rentrais dans les temps pour monter d'un cran dans les séries, ou descendre.
Donc moi, j'ai commencée en troisième série, et quand ça a commençait à devenir intéressant, j'étais en première série.
Quand j'ai arrêté ma carrière, on était à la fin de ce type de classement. Et les tests physiques sont arrivés en 1988.
Je faisais une trentaine de tractions, en tirage planche dans les 80 répétitions, en course à pieds j'étais en 11'40'' au 3000m. J'ai toujours eu du cardio.
Les Secrets du Kayak : Comment s'est passé ton évolution de débutante au kayak à l'accès au haut niveau ?
Claudine Le Roux : J'ai toujours travaillé en même temps que je pratiquais.
J'ai été éducateur sportif (brevet d'état).
Je n'ai pas passé le BAC, je me suis arrêtée en Première pour raison familiale, j'ai travaillé très tôt.
J'ai passé mon Brevet premier degré, j'ai travaillé à Lochrist, puis à Pontivy, et il y avait un centre d’entraînement départemental, je m'y entraînais le matin, et le soir après le travail.
J'ai dû optimiser le temps, éviter les déplacements inutiles, et être organisée.
Je fonctionne par la passion des choses et elle est toujours là.
Au club il y avait un cadre technique, Jean-Pierre Laffont, mon catalyseur pour m'aider à organiser mes entraînements.
Très vite, j'ai eu envie de m'organiser mes entraînements, j'avais toutes les connaissances nécessaires avec mon Brevet d'Etat deuxième degré à l'INSEP.
Les Secrets du Kayak : Comment se passe la préparation des Jeux de Séoul ?
Claudine Le Roux : On était huit filles sélectionnées pour l'équipage.
Toutes les filles étaient à l'INSEP , il y avait deux entraîneurs, et il y avait des batteries de tests.
C'était la pratique journalière en monoplace en confrontation.
J'étais avec trois filles du matin au soir, c'est une expérience humaine particulière.
Les tests se faisaient à tour de rôle, on se demandait les résultats pour tenter de faire mieux.
Il n'y avait pas que de la confrontation, de l'émulation aussi et ça c'est important.
Il fallait une confrontation saine. Il faut savoir où on va.
Les Secrets du Kayak : Avant les Jeux, tu avais fait des compétitions internationales ?
Claudine Le Roux : Oui, celle de Choisy-le-Roi, puis en Suède et à Malines, pour deux compétitions en K4.
Ils ont pris deux filles d'un bateau et deux filles de l'autre.
La difficulté du métier d’entraîneur, c'est de savoir quel sera le meilleur bateau qu'on pourra aligner.
Qu'est-ce qui va permettre à ce bateau d'aller chercher la médaille ?
Les Secrets du Kayak : Pour toi, c'était une surprise d'être sélectionner pour les Jeux de Séoul ?
Claudine Le Roux : On en avait toutes envie.
On savait qu'on avait gagné les deux courses test, mais on n'avait pas été médaillées à l'international.
Il a dû y avoir des réflexions pour recomposer ce bateau.
On a pu tester en compétition en Suède pour valider une sélection dans cette combinaison.
Les Jeux de Séoul ont été compliqués par la suite.
Ce que j'en retiens, c'est une expérience incroyable. C'était mes premiers et derniers Jeux en tant qu'athlète.
C'était différent d'aujourd'hui. Dans la préparation, c'est toujours la même chose. On travail la cohésion, le bateau.
On s'est fait sortir en demi-finale.
On voulait les médailles. On n'a pas rempli l'objectif même si on a donné le maximum.
Je n'ai rien à regretter, mais c'est la médaille qu'on retient aux Jeux.
À cette époque là, il n'y avait pas de finale B.
Mais quand on fait une finale B, c'est qu'on est quand même passé à coté de quelque chose.
Quel que soit le résultat, il y a une célébration en rentrant en Bretagne.
On a fait un partage d'expérience avec les accompagnateurs.
On a rencontré beaucoup de personnes dont Marie-José Pérec, on voit des performances. Ça ne s'oublie pas.
Après chacun reprend son chemin, et moi je suis rentrée à l'INSEP pour passer mon brevet d’état deuxième degré.
Les Secrets du Kayak : Tu avais déjà pour objectif de te tourner davantage vers l’entraînement ?
Claudine Le Roux : Oui, il y avait un projet de création de poste sur la base de Pontivy.
Je m'occupais des enfants sur la ville, j'avais l'école de pagaie sur la base nautique, et il y avait un centre d’entraînement départemental qui est devenu ensuite pôle Espoir.
Et quelques années après, j'ai été entraîneur de l'équipe de France junior sur le pôle Espoir.
En tant qu'athlète, j'ai continué à pagayer jusqu'en 1996.
J'ai fait des championnats du Monde de vitesse, et championnats du Monde de marathon.
Je me suis challengé en continuant à m’entraîner, en gérant une base nautique.
Je pouvais mieux faire, mais je n'avais pas le recul suffisant.
Les Secrets du Kayak : C'est original de mon point de vue de débutant, d'être une femme et entraîneur de kayak ? J'ai l'impression que c'est un milieu où il y a surtout des hommes ?
Claudine Le Roux : Le milieu du kayak est très masculin.
Il y a quand même pas mal de femmes entraîneur dans d'autres sports.
En kayak slalom, il y a deux femmes.
Pendant, longtemps, j'ai été la seule entraîneur en course en ligne.
Toutes les femmes peuvent l'être si elles le souhaitent.
J'ai un parcours atypique, mais c'est mon retour d'Angleterre qui m'a donné une aura supplémentaire.
J'y ai entraîné pendant 11 ans les équipes anglaises !
Les Secrets du Kayak : Quand tu passes ton BE2 et que tu commences à entraîner sur un Pôle, là tu commences à entraîner des athlètes qui ont un niveau supérieur à ceux que tu entraînais habituellement ?
Claudine Le Roux : Sur le pôle de Pontivy, ce sont des jeunes compétiteurs juniors.
Donc je mettais en place deux sessions d’entraînement par jour.
La logistique d’entraînement était importante pour qu'ils puissent augmenter le volume d’entraînements.
Je passais ma journée sur l'eau de 8h à 18h. J'ai toujours anticipé l’organisation.
C'est ce qui a été ma force lorsque j'ai été embauchée en Angleterre.
J'ai été embauché pour mes compétences, pas pour mes diplômes qui n'étaient pas valables là-bas.
J'y suis allée pour la rencontre, pas forcément pour me dire que j'entraînais en Angleterre, je ne parlais même pas anglais.
J'ai dû entrer dans un collège pour apprendre l'anglais. En France, je n'avais pas de place pour autre chose que mon travail.
Le choix a été vite fait, j'ai saisi l'opportunité, j'ai fait un choix personnel.
Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu avais en tête d'entraîner l'équipe d'Angleterre ?
Claudine Le Roux : Non pas du tout. Mes débuts là-bas, c'était de savoir rouler à gauche et parler anglais.
Donc j'ai pris des cours du soir avec 16 élèves d'autres nationalités.
J'ai commencé par proposer mes services dans un club tout près, pour prendre des séances et participer, j'ai vite eu un groupe de jeunes.
Je les ai emmenés sur des courses internationales anglaises, je me suis faite repérer.
J'ai eu un entretien pour commencer le lendemain matin. J'ai eu du mal à me faire comprendre, mais ils ont joué le jeu.
Ils m'ont confié un groupe de moins de 23 ans et juniors, j'avais deux kayaks homme et deux kayaks dame, à Londres et à Nottingham.
Les 4 athlètes ont été sélectionnés pour les premiers championnats d'Europe de moins de 23 ans qui ont eu lieu à Boulogne-sur-Mer.
Tous les six mois, on fait un bilan des résultats, savoir si tu es renouvelée.
En 2001, j'avais tous les kayaks dames moins de 23 ans et seniors.
Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu as remarqué une différence entre les juniors français et anglais ?
Claudine Le Roux : En Angleterre, ils ont un côté tête brûlée, peu importe que les entraînements soient le matin, la nuit ou le soir, ça pagayait beaucoup !
Ça manquait de technique, mais ils étaient très volontaires. En France, c'est plus cadré avec un nombre d'heures de musculation…
En Angleterre dès 5-6h, ils étaient sur l'eau. Le soir, ils attendaient les adultes à 18h alors qu'ils finissaient les cours à 14h.
J'ai apporté le cadre français pour leurs entraînements, je profitais de leurs fins de cours à 14h pour mettre en place des séances.
De mon point de vue, je pouvais voir de l'amélioration posturale et au niveau de l'ancrage.
À mon niveau, j'ai essayé de mettre en place des axes d'amélioration pour aller plus vite.
J'ai mis des tests en place pour optimiser l'avancement du bateau par le travail en m/s en km/h.
Il n'y avait pas de GPS à cette époque : je plaçais des bouées, je calculais au chrono, travailler la relation cadence et vitesse.
Ils étaient souvent à 100 %, je leur organisais des séances dans la semaine plus light avec du travail sur l'avancement de bateau sur chaque coup de pagaie.
Quand on n'a pas l'habitude c'est frustrant, mais la place de la technique est très importante pour sa construction.
Ça correspondait au minimum à une séance par semaine, mais il y avait aussi des séances d'EB1.
J'avais 10 à 15 personnes sur l'eau donc il y avait de la confrontation, ils n'avaient pas envie d'être derrière.
Les Secrets du Kayak : Fin 2001 on te confie les moins de 23 ans femme ? Ça a changé quelque chose en terme d'entraînement d'entraîner les plus vieux ?
Claudine Le Roux : Non, j'ai pris le risque de faire les choses différemment.
On partageait beaucoup entre les entraîneurs. J'ai eu la chance de rencontrer des entraîneurs hongrois, donc les meilleurs !
J'ai eu une expérience phénoménale, j'ai pu voir leur façon d'entraîner. J'ai vu passer un grand nombre d'entraîneurs étrangers dans l'équipe anglaise.
J'en retiens pour les hongrois de la méthode, beaucoup de technique.
Les athlètes sont mis dans des minis-kayaks à naviguer seul sur le Danube, pour l'apprentissage technique.
Il y a beaucoup d’impulsion, de travail sur les jambes. On partait souvent 3 semaines en stage en Hongrie.
On allait à Séville de janvier à avril. Pour les Hongrois, il faut être précis en technique.
J'ai aussi rencontré des entraîneurs ukrainiens dont un responsable de centaines d’entraîneurs, à l'époque de la Russie.
Il a travaillé en Espagne pour amener les athlètes aux Jeux. On a fait toutes ces années ensemble.
Il est allé en Chine, maintenant, il est au Japon. C'est quelqu'un d'exceptionnel.
Donc j'en ressors avec une méthode d'entraînement, que j'ai pu comparer avec ce qui est apparu ensuite en France, avec de la PPG.
Les Secrets du Kayak : Tu as eu de bons résultats avec ces kayaks dames ?
Claudine Le Roux : On est allé aux Jeux en 2004, mais avec un seul quota. Elle a fait septième en monoplace.
Sinon j'ai eu une junior aux Jeux de 2008 à Pékin elle a fait aussi 2012 et 2016, et là elle a arrêté sa carrière, elle n'a pas prolongé pour 2021.
J'ai eu des juniors aux championnats du Monde à Moscou.
Quelques médailles au niveau international, et aux championnats d'Europe sur 200 m.
J’amenais des personnes qui n'étaient pas dans la performance, et avec mon organisation il y avait une progression, et souvent d'autres entraîneurs récupéraient les filles pour passer les étapes suivantes.
Les Anglais avaient un système de détection de talent copié sur le modèle australien : des jeunes athlètes de tous domaines sportifs confondus qui signaient pour les Jeux 8 ans plus tard.
Elles avaient un entraîneur dédié, leur projet devait forcément être accompagné par les parents.
C'étaient des tests physiques pour la détection, ce n'était pas des pagayeurs à la base.
On cherchait des Ferrari !
Elles étaient à l'école, dans une dynamique d'entraînement, mais pas sur du haut niveau.
Ensuite pendant six mois, elles avaient un bateau adapté, un entraîneur dédié, elles ne payaient rien !
Tout était pris en charge par le projet de détection. Il y avait un gros financement pour ça. Sur les six filles qui ont participé aux Jeux de 2012, quatre venaient de la détection.
Les champions se construisent, il y a toujours une petite place pour ceux qui ont du talent, mais un champion ça s'accompagne.
En revanche pour les garçons, ça n'a pas si bien marché. Ce principe a permis d'alimenter le club et de challenger les pratiques.
Il y avait aussi pas mal d'évaluation donc il fallait passer les étapes.
On faisait en sorte qu'elles intègrent un club pour celles qui le voulaient, et beaucoup ont continué la pratique.
L'accompagnement se faisait jusqu'à ce qu'elles décident de faire autre chose éventuellement quand les performances ne s'accompagnaient pas de résultats derrière.
C'est pour ça que quand les jeunes étaient détectées, la réunion pour amorcer le début du projet se faisait en présence des parents.
Les Secrets du Kayak : C'est un système qui a été mis en place en France ?
Claudine Le Roux : Je crois qu'il y a des choses qui s'inspire de ce qui a été fait en Angleterre.
En tout cas, le projet a boosté les résultats des Jeux de 2016.
Aujourd'hui en Angleterre il n'y a qu'un seul athlète en K1, pour moi c'est un avertissement, d'habitude l'équipe est plus fournie, et aujourd'hui il y a des choses qui se passent sur la course en ligne.
Je crois que les Anglais sont en train de s'interroger sur leur pratique en kayak, sur le fait de ne plus produire de champion.
Les Secrets du Kayak : Qu'est ce qui t'a fait revenir en France ?
Claudine Le Roux : Je me suis séparée, donc je suis revenue près de la famille.
J'ai fait un choix pour mon garçon, c'était juste avant les Jeux de 2012.
En tant qu'entraîneur, je bougeais beaucoup, je pouvais faire jusqu'à 100km par jour.
La logistique pour moi n'était pas efficace et ce n'était pas bien pour lui.
J'ai eu une opportunité à Cesson, en Bretagne.
Le but était de revenir, j'avais suffisamment de bagage pour continuer d'être entraîneur.
Et si ça ne marchait pas j'avais un plan B, j'avais le concours d'éducateur éditorial aussi, je ne serai pas restée sans travailler, et j'avais quand même pris des contacts avant de partir.
J'avais préparé le terrain. Je suis rentrée pour continuer mon métier.
Les Secrets du Kayak : Quand tu es entraîneur en Pole en France, tu es entraîneur national ou juste entraîneur en pole ?
Claudine Le Roux : Entraîneur national, tu fais partie de l'équipe d'entraîneurs qui évolue sur les équipes : moins de 23 ans, juniors, seniors.
Il y a des entraîneurs qui sont identifiés pour être sur les seniors, d'autres sur les moins de 23 ans, et d'autres sur les juniors.
Le déclic vient parfois plus tard chez les jeunes, je n'aime pas abandonner, j'aime donner des solutions aux athlètes.
On essaie de trouver les bonnes combinaisons pour améliorer les résultats. Un accompagnement n'est jamais lisse ni parfait.
Les Secrets du Kayak : A ton retour d'Angleterre, as-tu changé ta façon d'entraîner d'un point de vue psychologique ou physiologique ?
Claudine Le Roux : On prend de la maturité.
Je suis sortie du volume pour aller sur de la qualité.
Tu as toujours un cadre pour l'encadrement de la pratique en fonction de la catégorie des athlètes.
On en est sorti petit à petit pour mettre l'athlète plus au centre et pas seulement ses données physiques ou psychologiques.
Je crois que ce qui a été amené en France, c'est le projet de performance individuel, même s'il existait plus ou moins.
Les athlètes ont d'avantage la main sur leur projet, ils doivent présenter ce qu'ils doivent mettre dans l'équation pour aller chercher une médaille.
Ce n'est pas qu'un plan général, c'est de la personnalisation entre projet personnel et professionnel.
Il y a une obligation d'accompagnement que ce soit au niveau des études ou de l’entraînement.
Il y avait un suivi individuel plus poussé en Angleterre, c'était plus facile avec leurs horaires.
En France c'est moins facile, il y a plus d'état de stress surtout pendant les stages, et au moment des examens.
Donc de 2010 à 2016, il y a eu des évolutions.
Les athlètes doivent gérer le double projet, ça demande de l'organisation.
Je ne pense pas que ça ait évolué, je les vois toujours stresser au moment des examens.
Il y a plus d'encadrement qu'avant : il y a le préparateur physique, le préparateur mental, les entraîneurs et même plusieurs entraîneurs, parfois c'est encore plus difficile.
Il faut unifier ou accepter les différences.
C'est super cette équipe d'encadrement qui a grossi. Même si l’entraîneur à les compétences, ça permet aux athlètes de prendre du recul et de voir les choses.
C'est un travail supplémentaire de préparation physique et de discussion avec les athlètes, ça n'existait pas avant, et il y a un partage de connaissances pour apporter des solutions.
Ça amène de la créativité à l’entraînement, parfois des conflits.
Pour moi c'est une très bonne évolution, chose que j'ai connu en Angleterre.
Les Secrets du Kayak : Lorsque tu étais à Cesson, est-ce qu'on vient rapidement te chercher pour être entraîneur national femme ?
Claudine Le Roux : Non, il y avait déjà une répartition : moi j'étais sur les moins de 23 ans pour commencer.
Et en 2012, François During et Vincent Ola m'ont proposé d'être sur les seniors.
Je travaillais avec Nicolas Maillote qui était déjà le responsable du groupe, donc au final la répartition s'est faite naturellement.
J'ai souvent eu les filles, mais aussi les moins de 23 ans garçons pendant un an.
Je n'ai pas d'a priori, j'ai une mission, je regarde les athlètes que j'ai pour savoir comment les accompagner sur leurs objectifs.
Je connais beaucoup de monde à l’international, je suis toujours en contact avec elles.
Qu'elles soient anglaises ou bien françaises, elles veulent gagner même si je regarde ce que font chacune d’entre-elles.
Les filles en internationales se connaissent, elles se croisent sur les bassins.
Lors de certains stages parfois, elles sont mélangées entre nationalités.
Le sport de haut niveau, c'est aussi la notion de partage.
Pour moi, il n'y a pas d'entraînement type ou miracle, c'est la combinaison athlète-entraîneur qui va faire avancer.
Les Secrets du Kayak : Tu as fini ta mission juste après les Jeux avec l'équipe de France féminine ?
Claudine Le Roux : Oui tout juste après, je suis arrivée en 2010, j'étais aussi entraîneur.
J'ai demandé à changer de poste. Je ne pouvais pas amener plus que ce que j'ai fait.
De plus, j'élève seule mon garçon donc j'ai besoin d'être disponible.
Pour aller plus loin, il fallait plus de confiance, je suis arrivée au bout.
Je le reconnais aujourd'hui : j'ai eu un sentiment d'échec après les Jeux de 2016 mais c'est surtout une combinaison de choses.
Je n'avais plus cette disponibilité mentale pour être plus efficace.
L'après Jeux, c'est toujours difficile.
J'ai eu mon garçon en 2007 à 43 ans.
Du coup ces interrogations mêmes douloureuses font avancer, et je suis passée sur les équipes jeunes, les U16 avec Nicolas Parguel en 2016-2017.
En 2018, je me suis inscrite à la formation de professeur de sport, c'était une opportunité je suis retournée à l'école, beaucoup de stage (1 an de préparation + l'examen) et de formation.
Le 1er septembre 2019, j'ai pris mes fonctions de conseiller technique national.
Ça consiste à être un coach couteau suisse : accompagner sur les courses en ligne dans le Grand-Ouest, accompagnement de club, de cadres, mettre en place une dynamique de regroupement de cadre de club de course en ligne.
Et j'ai une autre partie nouvelle, humaine, je suis chargée de mission sur les DOM-TOM.
Mon premier déplacement était en Guadeloupe, où j'ai encadré le cadre du pôle espoir avec partage de connaissance, car il y a des très bons athlètes mais lorsqu'ils viennent en métropole, il y a toujours un petit écart.
En métropole, ce ne sont pas les mêmes conditions météorologiques.
J'ai aussi était missionnée en Nouvelle-Calédonie 2019 pour accompagner la sélection calédonienne sur la préparation des Jeux du Pacifique en pirogue.
Ça été une expérience géniale, j'ai découvert le fonctionnement du va'a, j'ai encadré les cadres sur l'organisation de l’entraînement pour faire une trame jusqu'aux Jeux du Pacifique.
Ils ont gagné la médaille d'or et ils ont battu les Tahitiens pour la première fois sur la V6.
J'ai eu un super accueil, sans restriction, sans barrière.
Ma deuxième action en 2019 ça été Wallis et Futuna, à la demande du territoire je suis allée les voir et j'ai participé dans les clubs de va'a avec de la préparation physique, ils m'ont fait ramer en pirogue, j'y suis restée un mois.
Et depuis il y a eu la pandémie, donc les contacts se font par visio sur de l'accompagnement, je suis un peu le relais, la référente.
Donc quand je me déplace je mets de la vidéo, j’amène cet élément technique, on partage avec les personnes ressources qui ne sont pas forcément des entraîneurs.
J'essaie d'amener de l'organisation quand il n'y en a pas, et parfois, je peux amener des petites touches supplémentaires pour atteindre le haut niveau. Je fais un diagnostique de pratique.
En général, ce sont les ressources d'entraînement qui manquent le plus.
Il y a beaucoup de choses sur les sites, les cadres de club ont tellement de casquettes à gérer, ils sont engloutis par les taches journalières.
Et pour le haut niveau, il y a des choses à mettre en place qui ne sont pas faciles.
Beaucoup de petits clubs n'ont qu'un seul cadre, et du coup c'est compliqué.
Les ligues se mobilisent pour casser l'isolement de certains jeunes dans les clubs, je ne vois pas beaucoup de filles, ça m’inquiète.
Les Secrets du Kayak : Justement, c'est une des raisons pour laquelle je fais ce podcast, car il y a très peu d'informations ! De mon point de vue, cette communication manque pour avoir plus de monde dans le Kayak.
Claudine Le Roux : Les jeunes de maintenant forment cette génération nouvelle, on va commencer l'entraînement avec la génération alfa, ceux nés à partir de 2010.
Quand je vais dans les clubs ce qui pourrait m'interpeller, c'est que je ne vois pas les posters de nos filles qui sont super et qui performent à l'international.
Elles se battent, elles utilisent les réseaux sociaux comme outils.
Mais pour moi dans les clubs, il faudrait amener une image de l'athlète en canoë-kayak qui pourrait donner envie pour les mamans d'inscrire leur enfant.
Moi, je travaille beaucoup avec du visuel, des photos. J'ai fait des photos pendant cinq à six ans des filles.
Pour moi, ces photos peuvent démontrer la portée de l'activité proposée par le club, que ce soit pour la course en ligne, en slalom, dans toutes les disciplines.
Quand je vais dans les villes, je ne vois pas les flyers ou les images. Il faut se moderniser, mettre en avant la connaissance de l'activité.
Donc je suis tout à fait d'accord avec toi, même si la fédération modernise le kayak par les pagaies couleurs.
Mais maintenant la question c'est comment mettre le kayak au-devant de la scène pour attirer du monde ?
Le covid a plombé beaucoup d'animations, il va falloir trouver des idées, être créatif pour que dès que les clubs pourront ouvrir, amener une envie chez les jeunes.
Les jeunes d'aujourd'hui sont hyper connectés, ils communiquent tout en étant connectés, il faut en tirer le meilleur en cette période de pandémie.
Les jeunes d'aujourd'hui ne fonctionnent pas du tout comme les jeunes d'hier.
Les Secrets du Kayak : Je te laisse le mot de la fin.
Claudine Le Roux : Ce qui me caractérise, c'est ce côté atypique : « Je peux le faire, tout est possible ! ». Je ne m'interdis rien.
Toute expérience est importante, bonne ou mauvaise.
En fait aucune expérience n'est mauvaise. Tout n'est pas lisse, parfois les choses se font dans la douleur.
Aujourd'hui, les jeunes sont bloqués par la peur de ne pas réussir, la pression est partout : l'école, les parents, l'entraîneur, les médias…
C'est à nous entraîneurs de faire en sorte que les athlètes soient confortables, et comprendre ce que l'on met en place. Un entraîneur accompagne la performance.
Sur les pôles, on voit des évolutions en ce moment, les athlètes y sont de plus en plus jeunes.
C'est la performance qui va permettre de rentrer dans le pôle, pas le résultat brut, c'est aussi le petit truc en plus, c'est notre travail de détection qui accélère le processus.
Ce que j'ai retenu de l'Angleterre, c'est mon approche à deux vitesses. Il y avait ceux qui étaient dans le moule, qui savaient ce qu'ils voulaient, et ceux qui naviguaient, c'était pas mal mais ils ne sont pas dans une démarche d'entraînement.
Il ne faut pas les oublier, ils sont nombreux dans nos clubs, et pour moi, il faudrait deux vitesses.
Ce n'est pas parce qu'on n'est pas au pôle qu'on ne va pas réussir !
D'où le Mind-Mapping !
Je suis un maillon du parcours des athlètes que j'ai pu accompagner, et je reste en contact avec eux, différemment.
Je ne me considère pas comme détecteur de talent, mais j'ai ma philosophie d'entraîneur : accompagner peu importe le niveau.
Vous pouvez contacter Claudine Le Roux sur son compte Linkedin.