Interview : Eugénie Dorange

Ceci est une retranscription écrite du podcast enregistré avec Eugénie Dorange fin mars 2021.

Les Secrets du Kayak - Comment vas-tu aujourd’hui ?

Eugénie Dorange : Très bien, je suis en stage à Temple-Sur-Lot, avec une bonne partie de l'équipe de France de Canoë.

Les Secrets du Kayak : Comment ça se passe ? C'est une destination habituelle pour toi ?

Eugénie Dorange : C'est là où on va souvent pour préparer les échéances internationales.

On n'a pas pu y aller en février à cause des crues. C'est un super endroit et un super bassin pour s'entraîner.

Le bassin est vraiment plat. C'est une rivière, donc il y a un léger courant et parfois de bonnes bourrasques de vent mais c'est rare.

Si on tombe à l'eau on peut remonter dans l'embarcation, c'est très technique mais c'est faisable. Parfois il faut plusieurs tentatives pour y parvenir !

Les Secrets du Kayak : Tu es venue à l'eau par le kayak, c'est ça ?

Eugénie Dorange : Oui, j'ai commencé très très tôt.

Ma première Licence, c'était en 2006 à l'âge de huit ans.

J'ai fait quatre ans de kayak avant de faire du canoë.

Je débute donc en août 2006 et en octobre je faisais ma première compétition dans un CAPS.

Après j'ai principalement fait de la course en ligne mais j'ai testé un peu de la descente, pas trop de slalom, j'en ai fait plus tard pour des tests, j'étais vraiment nulle.

J'ai même testé le kayak-polo.

En fait j'ai commencé le kayak avec ma sœur, Marie-Charlotte plus âgée d'un an.

Comme nous étions toutes les deux en catégorie poussine et benjamine, une année sur deux on faisait du K2 ensemble, c'était super cool.

Quand j'ai eu 12 ans j'ai voulu essayer le canoë parce qu'au club il y avait un gros groupe de canoë homme, je les voyais sur l'eau et ça m'a attiré.

Des filles au club avaient commencé le canoë, donc ça m'a aussi motivé à essayer.

Dans un kayak j'étais dans les deux meilleures de ma catégories, mais je n'ai jamais fait les championnats de France en kayak. Donc je ne peux pas dire si j'étais forte.

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Les Secrets du Kayak : Quel est ton premier souvenir de canoë ?

Eugénie Dorange : J'étais dans un bateau super large, un Delta, c'est ce qui est compliqué au début, il faut un bateau super large et du coup c'est la galère pour pagayer.

L'eau est loin de nous, donc on prend de mauvaises habitudes au début.

Je ne saurais même pas dire la première fois que je suis montée dans un canoë, parce que ça m'arrivait de monter comme ça dans un bateau pour m'amuser.

Je n'avais juste aucune allure au début.

Je n'ai pas le souvenir d'être allé à l'eau. J'étais super prudente au début, j'allais doucement.

Avec mon coach Roland Dufour, il m'a formé en minime, on faisait 400m on faisait une pause, on tournait on revenait.

J'ai avancé petit à petit. Je n'avais pas envie de tomber.

Par contre, je me souviens que j'ai commencé un test sur un 500m où je devais aller le plus vite possible. J'avais l'impression que j’enchaînais trop bien les coups, que ça ressemblait à quelque chose et 50m avant l'arrivée je suis tombée à l'eau, donc en fait j'ai du prendre un peu trop de risque, j'ai du m’enflammer !

Je suis au club d'Auxerre. Donc oui il y a la culture du canoë, et par contre ma sœur à continué le kayak.

Et elle fait de la compétition depuis 2016 en haut niveau. Là elle continue toujours de courir les championnats de France pour le club parce qu'elle aime bien, mais elle ne fait plus de très haut niveau.

Au club il y avait beaucoup de kayak, mais il y avait un groupe de canoë et c'était motivant.

Je ne regardais pas s'il y avait des championnes, la première compétition femme c'était en 2009, et moi j'ai commencé les compétitions c'était en 2010.

J'ai progressé à mon niveau en voyant les meilleures mondiales progresser.

Les Secrets du Kayak : A l'époque tu t'entraînais combien de fois par semaine en canoë ?

Eugénie Dorange : En minime, le mercredi et le samedi.

J'étais au collège en classe sportive donc j'avais encore deux après-midi supplémentaires donc au total jusqu'à quatre fois par semaine.

J'ai vite progressé, mais j'ai eu un petit soucis sur ma première année de canoë.

Je m'étais cassée la cheville au printemps en cours de gym au collège. C'était la fin de ma vie, je ne pouvais pas faire de bateau pendant trois mois !

J'avais appelé mon entraîneur et il m'a dit un truc super énervant, c'est que grâce à mon arrêt ma coéquipière pourrait rattraper son retard. J'étais dégoûtée !

Donc j'ai fait mon opération, et j'ai passé six semaines avec une atèle, et c'était tout bon.

En fait, je n'ai été stoppée qu'un mois et demi.

Effectivement elle m'avait rattrapé, mais au final en compétition j'avais fait première ex aequo, et au championnat de France j'ai gagné !

Les Secrets du Kayak : Après le collège, tu rentres dans un pôle espoir ?

Eugénie Dorange : Non, je suis restée en club.

En 2006, quand j'ai commencé il y a eu Mickael Ortu qui est arrivé. Il a monté un groupe de compétiteurs, et ils ont mis des choses en place avec le lycée, les collèges.

Donc au Lycée on avait une classe sport, à la base pour le foot, mais nous kayakistes on allait dans ces classes pour profiter des horaires aménagés.

Le lundi, c'était séance en autonomie.

Le mardi, il venait nous chercher le midi pour s'entraîner au club, et on y retourner le soir après les cours.

On avait le mercredi après-midi.

Le jeudi on avait aussi le créneau du midi, et on finissait à 15h30 les cours donc on y retourné.

Le vendredi idem.

On avait quasiment deux créneau tous les jours.

Donc le nombre de séances a augmenté en arrivant au lycée.

Les Secrets du Kayak : En dehors du canoë, tu faisais d'autres activités ?

Eugénie Dorange : Oui, quand j’étais petite je faisais de l'équitation. Et non ce n'est pas du sport que pour le cheval ! J'ai commencé vers 5-6 ans, et j'ai arrêté complètement avec les grosses compétitions de kayak.

Sinon j'allais au ski avec mes parents, chaque hiver du ski alpin et dès que j'ai fait du canoë, j'ai fait du ski de fond.

Ensuite on a commencé progressivement : d'abord du bateau, puis un peu plus tard des sports collectifs.

Et plus tard encore en grandissant on a intégré la musculation au poids de corps.

Des choses de base, des flexions, des tractions...

La course à pied, on en faisait depuis le début. On n'aimait pas trop ça, on se cachait et on attendait que les 45min passent.

Enfin le vélo, je suis nulle et je n'aime pas.

Les Secrets du Kayak : En t'investissant d'avantage, tu as explosé au niveau des progrès ?

Eugénie Dorange : Quand on est jeune, on progresse rapidement, de 10 secondes pas an.

En cadet 2 pour ma première année, je faisais du C1 200 et C2 500m.

Et de suite pour moi, on a visé le C2 500m c'était plus réaliste de se fixer cet objectif là.

En 2014 je fais mes premières sélections équipe de France, j'ai fait deuxième et troisième en C2 en 500m, et ça me classait troisième au cumul des courses 500m.

Il me fallait gagner le 200m pour rentrer en équipe de France. Je n'y suis pas arrivée.

C'était à Vaires-sur-Marne, et en fait j'avais gagné sur le 200m au lieu du 500m.

J'étais pas vraiment plus forte sur les séances explosives.

Je ne sais pas dire sur quoi j'étais meilleure, mais en C2 500 c'était plus compliqué de fixer des objectifs puisque les coéquipières pouvaient changer.

Donc on est resté sur le C1 200m pour mes années juniors, et l'objectif c'était une finale mondiale.

En deuxième année junior, c'était le top 5 mondial et j'ai fait quatrième.

Et pour mes junior 2 c'est une médaille mondiale.

C'était le plan de construction.

Après j'ai fait du C2 chaque année, mais parfois en plus des coéquipières c'est les distances qui variaient.

Et mon déclic c'était sur une séance de vitesse, j'étais toujours un peu molle et Mickaël me disait de me bouger !

La dernière année en junior 2, je fais Vice championne du Monde.

Les Secrets du Kayak : A ce moment là dans ton esprit ça devient super sérieux. Tu t'es dit le canoë, ça va être ma vie pour les prochaines années ?

Eugénie Dorange : Ça l'était déjà un peu, dès que tu rentres en équipe de France, ça prend déjà une bonne partie de ta vie.

J'ai eu la chance de courir aux mondiaux de 2015 en junior 1.

J'ai été actrice de l'entrée du canoë dame aux Jeux.

Donc je savais pourquoi j'étais là, et que pour les Jeux de Tokyo, je serais en canoë.

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Les Secrets du Kayak : Parle nous des Jeux.

Eugénie Dorange : Le canoë dame entre aux Jeux de Tokyo.

En 2015, il ont étudié les courses de canoë dame pour les faire jouer à Tokyo.

Je savais qu'il y aurait d'autres courses à faire dans les équipes de moins de 23ans et l'équipe de France.

C'était un objectif très lointain, et c'est arrivé super vite.

Dans ma tête c'était très loin, peu être que c'était pas assez concret, je pagayais pour être forte, je ne pagayais pas pour les Jeux.

Chaque année, je me fixais un objectif.

En arrivant en senior je n'avais pas trop d'idée, même après la course de Milan en 2015, le niveau n'a fait que progresser tous les ans, donc c'était compliqué d'avoir des ambitions.

Entre 2017 et 2019, j'ai l'impression qu'avec l'entrée du canoë dame au Jeux, le niveau à explosé.

Et moi j'ai progressé moins vite que les étrangères.

Je voyais des filles me passer devant alors qu'elles étaient derrière moi avant, c'était perturbant.

Durant cette période, mes temps se sont améliorés mais pas suffisamment par rapport aux autres filles.

Après c'est normal d'avoir des plateaux au niveau de la progression. Mais en junior j'ai vite progressé, donc là c'était frustrant.

Je me remettais en question, je faisais toujours plus et plus dur.

Mais ce n'étais pas la solution. En 2019, j'ai fait un gros stage avec les canadiennes pendant deux mois, les meilleures filles au monde.

J'ai tout fait avec elles, je les ai collées. Je suis rentrée de stage, j'étais vidée.

J'ai fait les Open, c'était la catastrophe. Je n'arrivais pas à me remettre du stage, et j'ai commencé à remonter la pente pour les sélections en 2019.

J'ai fait de superbes courses, et de suite il y avait les coupes du Monde, ça n'avait pas été.

Avec le recul, j'en ai fait beaucoup trop. Trop dur en terme de quantité, et je ne faisais pas les choses bien. Donc j'ai tout revu.

Les Secrets du Kayak : En France, vous êtes combien de canoë dame à vous entraîner ensemble ?

Eugénie Dorange : Je suis seule sur le pôle olympique de Vaires, et sinon je m'entraîne souvent avec Anais Cattelet qui est au pôle à Saint-Laurent.

On a fait des stages ensemble, et de temps en temps je m'entraîne avec les filles qui sont à Nancy comme Laura Ruiz, Axelle Renard…

Je ne sais pas si le manque de partenaire à Vaires est un frein.

Je me suis toujours entraînée seule en bateau, à Vaires pour la musculation j'ai toujours trouvé du monde comme pour mes séances de PPG.

Aujourd'hui je pense que le fait de ne pas m'être entraînée en groupe pendant très longtemps, j’appréhendais mal la confrontation et l'adversité en course.

Les Secrets du Kayak : Comme le canoë femme est une discipline récente, l’entraînement a évolué au fur et à mesure de la progression ?

Eugénie Dorange : Dans l'entraînement je ne pense pas, mais la façon de pagayer a énormément évoluée.

Quand j'ai commencé, beaucoup de gens pensaient qu'une femme ne pouvait pas pagayer comme un homme, ce qui n'est pas tout à fait faux.

Mais quand je voit Laurence Vincent-Lapointe ou Nevin Harrison, elles ont un coup de pagaie hyper puissant et ces dernières années cette puissance a vraiment évolué.

Moi, j'ai un problème de rendement dans mon coup de pagaie.

Mon bateau n’avançait pas beaucoup, je n'avais pas de point d'appui solide pour avancer.

Le coach me disait de changer mon approche drastiquement, je ne comprenais pas pourquoi.

Et à force d'en parler ma pagaie en fait dérapait complètement vers moi, au lieu que ce soit moi qui avance sur ma pagaie, c'est elle qui venait vers moi... C'est très subtil, mais ça fait toute la différence.

Ce changement d'intention de bouger le bateau vers la pagaie et non pas l'inverse c'est vraiment tout autre chose.

J'étais plus ouverte à entendre ce qu'on me disait, j'ai mieux ressenti les choses.

J'avais atteint mon niveau grâce à ma bonne condition, mais il fallait autre chose pour faire la différence par rapport aux autres.

Et ça depuis les mondiaux 2019 où j'ai eu une grosse remise en question.

J'ai couru le C2 avec Flore Caupain, on n'a pas eu le quota pour les Jeux, j'étais hyper déçue de tout ce que j'avais pu faire pour en arriver là.

J'ai pris du recul pendant deux semaines, et ensuite j'avais huit mois pour obtenir le quota au rattrapage.

J'ai repris des bases solides, j'ai changé d’entraîneur à Vaires, et après avec le confinement et les Jeux qui ont été repoussés, ça m'a remotivé.

J'avais un an supplémentaire pour me qualifier !

Et c'est Anthony Soyez qui m'a beaucoup aidé, parce que c'est lui qui m'a ouvert l'esprit et fait essayer d'autres choses, il a été très persévérant.

Pendant plusieurs années il m'a expliqué la même chose, et moi je ne comprenais pas et je n'y arrivais pas.

Il ne m'a pas lâché. Et à force d'essayer, en janvier avec Mickael, j'ai senti un truc et après à Saint-Laurent j'étais avec Anthony et il a vu une différence.

Ça allait dans le bon sens. J'étais contente !

Il y a du progrès mais c'est pas encore ça.

Vraiment c'est l'année 2019 la pire, on fait sixième en finale B, donc quinzième.

Nous on visait la qualification pour les jeux.

Pour mes deux années seniors, j'étais passée par le pôle de Nancy pendant deux ans où j'ai été suivie par Olivier Ruiz, mais dès le départ je voulais aller à Vaires.

Je voulais être au plus proche des meilleurs français en canoë-kayak, je voulais une atmosphère de très très haut niveau pour être portée par ces champions.

Au départ on m'avait dit « non » pour Vaires, je ne sais pas pourquoi, donc c'était Nancy.

Les Secrets du Kayak : Tu as pu apercevoir l’entraînement des canadiennes, que font-elles de différent ?

Eugénie Dorange : Il y avait des choses qui se ressemblaient, mais elles m'ont apporté des choses que ne je faisais jamais.

Comme par exemple, des séances d'EB1 assez en continu avec des prises de vagues.

Globalement ça ne changeait pas vraiment, mais elles faisaient un gros volume d’entraînement, concentrées sur la qualité du coup de pagaie puissant et technique.

Après tout dépendait du coach. C'est plutôt en musculation qu'elle font des choses différentes.

Ce que j’adorais avec elles, c'était le groupe. Ça te tire vers le haut !

Nous étions une dizaine de filles.

Je crois avoir fait six stages avec elles, dont certains de deux mois.

En musculation je saurais pas expliquer : elles ne faisaient pas toujours les mêmes mouvements.

Dans une séance, elles pouvaient travailler explosivité, un peu de force max.

Les séances étaient assez courtes. Il y avait des exercices de musculation pure, du renforcement… c'était diversifié.

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Les Secrets du Kayak : J'ai l'impression qu'avec l'arrivée d'Audric en tant que préparateur en France, ça ressemble aujourd'hui plus à ce que tu me décris.

Eugénie Dorange : Oui c'est vrai, il nous apporte de la diversité dans les mouvements, sur les différents modes de contraction.

C'est vrai que c'est différent mais pas autant qu'avec les canadiennes.

Mais ce qui m'a beaucoup marqué à m'entraîner avec les étrangères, c'est que physiquement en course à pied et en musculation j'étais dans les meilleures.

Il y avait Laurence qui était monstrueuse en muscu, en puissance, mais qui ne courait pas.

J'étais dans les meilleures en PPG, mais dans le bateau j'avais un gap énorme.

Alors c'est sur que j'ai toutes les bases pour les exploiter dans le bateau, du coup c'est certain que je fais un truc de mal dans mon bateau.

La difficulté du canoë-kayak c'est que ça requiert énormément de qualité, il faut être fort, endurant, technique, avoir le sens de l'équilibre.

Les Secrets du Kayak : Comment ça se passe l'évolution de l'équilibre en canoë ? Tu parlais tout à l'heure que tu as commencé dans un Delta. C'est quoi les différents bateau par lesquels on passe ?

Eugénie Dorange : Moi j'ai fait Delta, donc c'est hyper large.

Puis un Futura, il est un peu plus fin mais il a une forme de V.

Ensuite j'ai eu un ZedTech, ça a la même forme qu'un Nelo, un Vanquish III je crois.

Et ensuite je suis passé en Plastex.

En minime, j'ai fait deux ans en Futura, en cadette j'ai couru dans le ZedTech, en cadette 2 j'ai eu le Nelo.

En junior 1, j'ai fait mes premières courses dans un Plastex.

Donc deux ans au début, puis un an dans chaque bateau jusqu'au Plastex.

J'ai eu deux formes différents pour les Plastex.

Et en pagaie j'ai une Braca extra wild, en taille 22.

Les Secrets du Kayak : Une pagaie de canoë c'est comme une pagaie de kayak ? Il y a un torque pour qu'elle rentre bien naturellement ou pas ?

Eugénie Dorange : Ah non elle est toute droite, c'est difficile de mal la rentrer en fait en comparaison au kayak.

J'ai juste eu du mal c'est lorsque j'ai changé ma pagaie. La précédente, le vernis était tellement entamé que ça râpait.

Et maintenant celle-ci est tellement lisse, que je me rend compte que la précédente, ça m'aidait à la fixer dans l'eau du fait qu'elle était usée.

Moi je mesure 1,68m et ma pagaie fait 1m58.

L'espacement des mains est hyper personnel.

Tu as des gens qui vont avoir un très gros levier, ce qui va permettre de faciliter la prise d'appui pour ramener le bateau sur la pagaie.

Pour les leviers tout petit, ils mettent la main super basse sur la pagaie comme par exemple l'athlète biélorusse que j'admire beaucoup, et par contre l'américaine a un très gros levier.

Moi j'ai un gros levier.

J'y ai mis comme une guidoline, et je mets un tape de kiné pour que ça me colle la main.

Il faut que l'olive soit alignée avec la palme en canoë.

Les Secrets du Kayak : Comment fait-on pour diriger le bateau, par ce qu'il n'y a pas de gouvernail en canoë. Comment fais-tu en pagayant toujours du même côté pour aller droit ?

Eugénie Dorange : En effet, il n'y a pas de gouvernail.

En fait le bateau est très fin, donc tu pagaies quasiment sur l'axe du bateau. Mécaniquement parlant tu ne peux pas la sortir droite, tu es obligé de tourner légèrement la pagaie pour la sortir naturellement, et ce petit geste suffit à maintenir le bateau droit dans des conditions normales.

Le bateau se remet dans l'axe, c'est minime la différence, ça ne se voit pas.

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Les Secrets du Kayak : A partir de quand Mickael n'a plus été ton entraîneur principal ?

Eugénie Dorange : J'ai beaucoup de mal à m'en détacher, je le sollicite tout le temps quand je rentre à la maison.

A Nancy, c'était José mais je rentrais à la maison souvent, donc Michael été très présent.

A Vaires, j'ai été entraînée par Yann Gudefin, Mickael était toujours hyper présent. Comme aujourd'hui encore.

Mickael, c'est comme la famille.

A la limite on peut dire que c'est lorsqu'il ne me faisait plus les plans d'entraînement. A Auxerre c'était lui, et ensuite dans les pôles, ce n'était plus lui.

Mais il est toujours là, aujourd'hui c'est Philippe Colin au pôle à Vaires.

Et il y a Anthony en équipe de France. Et c'est génial parce qu'ils communiquent bien et c'est hyper fluide.

Pour moi, j'aurais toujours besoin de l'avis de Mickael.

Les Secrets du Kayak : J'ai cru voir sur ton instagram que tu avais un ergomètre canoë. Est-ce que tu en fait souvent ?

Eugénie Dorange : La machine c'est à Adrien, on l'a ramené à la maison. Pendant le confinement, j'ai fait deux mois de machine. J'ai été vacciné. Je n'aime pas ça !

Je la trouvais super dur, le manche super grand.

On a trouvé des techniques pour que je fasse mes séances dessus, parce que je ne pouvais pas tenir trois minutes dessus.

Aujourd'hui j'y prends d'avantage de plaisir, c'est intéressant pour l'hiver quand tu ne peux pas naviguer, et elle se rapproche du bateau.

Les Secrets du Kayak : Fais-tu une coupure hivernale chaque année ?

Eugénie Dorange : Non pas cette année, sinon toutes les années précédentes oui.

C'est à dire que cette année, je ne suis pas allée en stage de ski de fond.

J'ai fait le choix de ne pas y aller car on a fait un gros programme cet hiver accès sur la PPG et la course à pied, moins de bateau.

Et on a fait des petits tests. Si on partait au ski, ça aurait faussé les tests.

Ces tests, c'était un chrono de 10km de course à pied, et en musculation c'était des tests à un certain pourcentage de poids de corps, et un max de répétitions.

Du coup sur le 10km, j'ai fait 45 min. Au début du cycle, à cause d'une blessure, je ne pouvais pas faire les séances de VMA, je ne faisais que du footing.

Et je n'ai pas pu faire le test 10km du début ni celui du milieu, donc je n'ai fait que celui-là.

Compliqué de voir ma progression avant de faire ce cycle là je faisais 46'40'' voir 47min.

Je me suis fait une déchirure à l'ischio, c'était le point noir de cette année.

Avec le confinement je me suis entraînée pour les Open qui étaient prévus pour fin août, c'est devenu l'objectif de l'année, et une semaine juste avant j'avais mal sans cesse à la fesse et j'ai vu les kinés quatre fois avant les courses.

J'ai couru strapée, et pour la finale la douleur ne cessait d'augmenter, j'ai couru avec de grosses vagues.

J'ai fait une échographie à l'INSEP, et ils ont trouvé une petite déchirure. Moi je croyais qu'en deux semaines ça serait réglée, et en fait j'ai pas fait de bateau pendant dix jours, j'ai juste fait deux séances avant les France.

J'ai couru encore strapée et ça n'a pas été. J'osais pas faire d'effort et au final j'ai du m’arrêter deux mois.

Pendant ces deux mois, entre les Open et où j'ai repris le bateau, j'ai fait ma coupure annuelle de deux a trois semaines et ensuite j'ai repris pendant trois semaines avec de la PPG et de la ré-athlétisation à l'INSEP.

Les Secrets du Kayak : Quelles sont les blessures les plus courantes en canoë ?

Eugénie Dorange : Beaucoup de tendinites aux épaules, moi l'ischio-jambier c'est la première fois que c'était aussi fort.

Pour moi, ce n'était pas une douleur alerte mais une douleur de séance compliquée.

Sinon je n'ai jamais vraiment été blessée.

Ça arrive d'avoir des douleurs au dos, moi c'est souvent les lombaires.

Je sais qu'Adrien a une hernie, mais après je ne saurais pas dire si la hernie discale arrive fréquemment en canoë.

Les Secrets du Kayak : Est-ce qu'on peut vivre du canoë en tant qu'athlète de haut niveau ?

Eugénie Dorange : Je te dirais non.

On peut s'en sortir avec des aides, des bourses. Pour ma part, je suis aidée par des aides personnalisées de la fédération, par des bourses du département, de la région, et j'ai une bourse de la FDJ parce que j'ai été étoiles du sport en 2018.

J'ai un mécénat avec la Caisse d'épargne Bourgogne-Franche-Comté. On peut s'en sortir avec toutes les institutions et les partenariats, mais ce n'est pas un sport professionnel.

On a aucun contrat avec la Fédération ni avec les clubs, et c'est un statut qui est assez précaire parce que ce ne sont pas des revenus qui sont fixes.

Du jour au lendemain ils peuvent s’arrêter. Donc il y a un jour où je ne ferais plus de canoë.

Tu peux avoir des partenaires pour te fournir en matériel. J'ai été ambassadrice d'un magasin de sport Outdoor, j'ai eu des vêtements, du matos pour m'entraîner donc ça m'a aidé.

Tu peux avoir des sponsors ou des partenaires. Mais on n'a pas des contrats comme certains athlètes avec des grandes marques.

Les Secrets du Kayak : Parallèlement à ta carrière, tu as fait des études ?

Eugénie Dorange : Je fais toujours des études. Je suis en licence numérique de droit.

C'est une Licence de droit, que je fais à la Fac à Paris II, et elle se fait entièrement à distance.

Me rendre à la Fac tous les jours ce n'est pas conciliable avec mes entraînements ou mes stages.

Je peux faire ma Licence numérique où que je sois !

C'est une plateforme numérique, les cours sont en ligne chaque semaine. On rend les devoirs sur cette même plateforme. Il y a des forums de discussion avec les professeurs, c'est bien fait.

Là j'ai 22 ans et je vais faire ma Licence en six ans. C'est un peu long, même si l'objectif c'est les Jeux, mon Bac+5 est encore loin !

Les Secrets du Kayak : Je voulais parler d'alimentation, comment ça se passe pour toi ? Tu es gourmande ou tu suis une alimentation stricte ?

Eugénie Dorange : J'ai la réputation d'être très gourmande et de manger beaucoup de sucreries.

Mais en fait, j'ai été suivie très tôt par un diététicien dès mes 17 ans et ça m'a éveillée à l'importance de la nutrition et de l'alimentation pour ma pratique en haut niveau.

L’objectif était d'être performante pendant les courses et les entraînements.

Et c'est toujours mon approche tout en faisant attention à la masse grasse. Le but est de rester en forme pour bien récupérer et progresser, avoir le bon carburant.

J'ai pris des compléments alimentaires car en fait j'ai une carence en fer, donc sur un an pour anticiper les carences je fais des cures de Fer, de vitamines D, et on alterne tous les mois, et pour les compétitions on part sur du multi-vitaminés et j’arrête le fer à ce moment là.

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Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu fais d'autres choses pour performer, comme de la méditation, de la visualisation ?

Eugénie Dorange : Je fais de la préparation mentale depuis deux ans, et depuis cette année c'est avec Boris Marais qui intervient à la Fédération.

Je fais une séance par mois pour laisser le temps de mettre les choses en place et de voir leurs effets.

J'ai déjà senti du progrès, mais il faudra voir sur les autres échéances.

Je pratique les étirements. Pas vraiment de méditation.

J'essaie d'être assez pro sur la récupération, alimentation, hydratation.

Pour la récupération, je me cale sur Adrien, il a un équipement de presso-thérapie et j'en fait de temps en temps.

Je fais des auto-massages avec des rouleaux pour éviter les blessures au long terme, je vois le kiné régulièrement.

Je n'aime pas le froid mais j'en mettais malgré tout sur mon ischio-jambiers, et des programmes Tens via l'éléctro-stimulation.

Les Secrets du Kayak : Là, tu n'es pas encore qualifiée pour les Jeux de Tokyo ?

Eugénie Dorange : Non en effet, depuis septembre 2019 que je me prépare pour les qualifications européennes qui auront lieu en mai.

J'ai eu un an de plus avec le report des Jeux.

En C1, je dois gagner et en C2, il faut faire dans les deux.

Je connais mes adversaires car je connais celles qui n'ont pas été qualifiées et qui vont au rattrapage.

Objectivement, il faut y croire, c'est hyper ambitieux.

Ça va se passer à Szeged.

Ça va être juste deux jours avant la coupe du Monde, et on fait les Jeux en juillet.

Il faut se faire confiance ! Agis comme si tu étais champion et tu le seras.

C'est le message que je veut faire passer.

Vous pouvez retrouver Eugénie Dorange sur son compta Instagram.

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