Interview : Manon Hostens
Ceci est une retranscription écrite du podcast enregistré avec Manon Hostens alors qu’elle venait d’effectuer sa première semaine de stage à Séville au mois de décembre 2020.
Les Secrets du Kayak - Comment vas-tu aujourd’hui ?
Manon Hostens : Ben écoute, je vais très bien. Aujourd’hui, c’est journée de récupération du coup, c’est plutôt cool. Une semaine type en stage, c’est récupération le mercredi après midi et le dimanche. Le reste, évidemment, on s’entraîne.
Une journée de récupération, on y fait un peu ce qu’on veut, enfin surtout des siestes, des bons petits plats, ce qui nous fait plaisir, ce que l’on n’a pas forcément le temps de faire en semaine.
Moi, je suis tellement cramée de la semaine que je suis plutôt en mode zombie. Je prends le temps d’appeler ma famille, mon entourage, je reste tranquille.
On fait parfois dans la semaine des séances qu’on appelle RG comme régénération où c’est de la récupération active mais le mercredi après midi et le dimanche, c’est vraiment repos physique et mental. Parfois, on en profite pour faire des “cheatmeal”.
Personnellement, j’adore les petits déjeuner et là, je prends vraiment le temps de manger, des choses qui sont peut être pas très digestes le reste de la semaine mais là, le beurre de cacahuète, la pate à tartiner noisette… C’est pas mal le dimanche matin.
Dans la semaine, ca passe inaperçu vu les quantités d’entraînements mais mentalement, ca fait du bien. Je n’ai pas l’envie d’être hyper drastique et de me priver des bonnes choses.
Je le suis en fonction des séances pour pouvoir bien récupérer et optimiser ma récupération via l’alimentation entre les séances mais je suis malgré tout très gourmande.
Je sens l’impact de l’alimentation sur mes séances, notamment sur ma fatigue où si je ne mange pas le bon ratio de féculents, ca va être plus difficile.
C’est pour cela que plus j’approche des compétitions, plus je vais être stricte sur le sujet.
L’année dernière, j’ai eu pas mal de douleurs musculaires à l’effort à force de me mettre des cartouches parce qu’on travaillait plutôt ce profil là alors que je suis plutôt “aérobie”.
Le sprint demande énormément de force musculaire et avec le coach, on a orienté l’alimentation en ce sens. Ca m’a aidé à “éliminer l’acidité” avec une alimentation très basique.
Je ne prends pas trop de compléments alimentaires. Après ca va dépendre de la prise de sang que l’on fait deux fois dans l’année. Je vois que parfois je peux manquer de magnésium alors j’en prends.
Avec le nutritionniste, on essaie vraiment d’apporter le maximum par l’alimentation “traditionnelle”. Je pense que c’est pour cela que je suis hyper carrée. Il peut m’arriver de faire des cures de spiruline aussi.
Pour moi, le corps n’avait pas accès à des compléments alimentaires auparavant donc il peut très bien s’en sortir sans, même si on repousse nos limites.
Je suis plutôt nature nature.
Sur les structures, on a accès au nutritionniste. C’est comme la kiné, la préparation mentale, chacun décide s’il veut les utiliser ou pas. Je sais que d’autres filles y ont recourt. Ca dépend vraiment de la démarche et du projet dans lequel on est et si on en ressent la nécessité.
Ca fait environ deux ans où j’ai vraiment axé dessus avec ces notions d’acidités, d’aliments plutôt basiques et là, j’ai vraiment vu une différence.
J’ai un peu plus tardée à faire de la préparation mentale parce que les personnes avec qui je le faisais, j’avais l’impression de déjà mettre leurs conseils en pratique, en autonomie très naturellement. Ce qu’ils m’apportaient, je le faisais déjà et c’était bien en place.
Avec le coach, on a quand même une très très bonne relation, on se connaît depuis longtemps.
Là, j’ai rencontré d’autres personnes qui m’ont ouvertes d’autres portes, de nouveaux horizons et ca fait donc environ 1 an et demi que je m’y suis vraiment mise sérieusement mais jusque là, je n’en ressentais pas le besoin avec mon entourage et notamment ma famille qui est un gros soutien psychologique.
Même si je suis kiné, comme c’est dur de se masser toute seule, j’essaie d’optimiser avec les ventouses, l’électrostimulation, la presso-thérapie, le rouleau, les étirements, là dessus en autonomie et je vais chez le kiné une à deux fois par semaine plus un suivi ostéopathe une fois par mois.
J’essaie d’être le plus professionnelle possible. Je ne sais pas si c’est une bonne recette mais le fait d’être dans cette démarche là, j’ai l’impression de bien faire les choses et ca me met en confiance.
Je n’ai pas l’impression que ce soit des contraintes, ca m’apporte plus d’avoir cette hygiène de vie et cette optimisation entre chaque séance.
Je n’ai encore jamais médité, comme je n’ai jamais pratiqué la sophrologie mais ce sont des pistes qui sont là. Je préfère m’approprier déjà ce que je fais, comme des exercices de respiration qui peuvent s’en rapprocher.
Je fais aussi du Pilates, que j’adore et un peu de Yoga de temps en temps. C’est un petit mixte en fait.
Les Secrets du Kayak - Peut-on vivre du Kayak ?
Manon Hostens : J’ai été diplômée en juin 2017 en tant que masseur kinésithérapeute et j’ai tout de suite voulu pratiquer parce que c’est un métier que j’ai toujours voulu faire.
Je souhaitais faire des remplacements en début de saison pour être complètement détachée en fin de saison sauf que c’était difficilement compatible car quand tu es kiné, tu es à fond et il m’était impossible d’optimiser mon entraînement à côté.
J’ai essayé mais j’ai vu que cela ne me correspondait pas.
Du coup, la fédération m’a trouvé, en collaboration avec le ministère des sports ce que l’on appelle le contrat “Pack de performances” qui met en relation des fédérations et entreprises qui souhaitent créer des Team d’athlètes qu’ils veulent sponsoriser.
C’est ainsi que j’étais rentrée dans la Team “Point P”. On était une quinzaine d’athlètes dans toute la France et c’était vraiment très enrichissant. Cela me permettait, en plus de mes sponsors du département, d’être comme une professionnelle même si je n’avais pas le statut. Je pouvais vivre de mon sport.
C’est une chose assez rare dans le Kayak car pouvoir être sponsorisée, comme c’est un sport très confidentiel, ce n’est pas tous les athlètes qui peuvent le faire. J’ai vraiment eu cette chance là et c’était cool.
Après, avec les évènements actuels, j’ai perdu ce “Pack de performances”. Point P a mis fin à ce partenariat. Du coup, la fédération essaie de me trouver un autre contrat. On est un peu entre deux eaux en ce moment.
Je m’en sors encore bien quand même grâce aux collectivités et à la fédération.
Les Secrets du Kayak - Pourquoi ca reste confidentiel ?
Manon Hostens : C’est sur qu’on n’est pas très bon pour parler de notre sport. On est tellement passionné qu’on ne comprend pas pourquoi les gens ne sont pas autant à fond que nous. Il faut qu’on arrive à évoluer là dessus.
Je suis toujours contente de faire découvrir le Canoe Kayak, ce sport de pleine nature, j’ai envie de faire partager ca.
Ce n’est pas trop dans notre culture de partager sur les réseaux sociaux. On aime bien faire notre truc, c’est notre passion. C’est vrai qu’on n’a pas les automatismes et c’est vrai qu’on pourrait plus partager.
Il faut dire aussi que je préfère faire du sport qu’être sur mon téléphone à essayer de faire des petites stories. On essaie de se motiver à faire des petites photos mais on est tellement dans notre truc, tellement dans notre univers qu’on a un peu de mal à s’ouvrir. Mais c’est vrai qu’il faut qu’on évolue là dessus, c’est certain.
Les Secrets du Kayak - Tes débuts en Kayak
Manon Hostens : Avant de faire du Kayak, j’étais très multisport. J’ai toujours été passionnée de sport. Mes parents ont commencé à me mettre à la danse, un grand classique. J’ai fait de l’escalade avec mon frère aussi et de la gym.
Après, on a déménagé et là, mon frère voulait faire du Kayak et comme il ne voulait pas y aller tout seul, on m’a un peu forcé à y aller avec lui. C’est comme que j’ai débuté le Kayak et que j’ai rapidement adoré.
On a commencé avec d’autres sports à côté, le Karaté et le Tennis.
Mes parents avaient une règle, c’est que si on voulait faire un sport, on prenait la licence et on devait faire la saison entièrement. On finissait l’année et en fonction de comment ca nous plaisait, on pouvait changer de sport.
C’est comme ca que j’ai fait du Basket, de l’Equitation, du Badminton, un peu de Volley, un peu d’Athlétisme.
Le mieux, c’était l’UNSS au collège. Je pense que j’étais accro au sport, j’adorais ça et j’adore toujours ce qui fait qu’au collège, je m’inscrivais à toutes les activités sportives à l’UNSS qu’on pouvait faire. Entre midi et deux, j’avais toujours une heure de sport et par moment, il y avait aussi des UNSS le soir.
Comme ma mère est infirmière scolaire et qu’elle finissait plus tard, comme ca, c’était parfait.
Je faisais vraiment du sport tous les jours, parfois plusieurs fois par jour comme le samedi et le dimanche. Je n’arrêtais pas et c’était vraiment mon kiff.
Ce qui était dur pour moi, c’était les vacances scolaires. Souvent, quand on avait deux semaines, on avait une semaine de stage en Kayak mais la deuxième semaine, il n’y avait plus de Kayak, plus d’UNSS, tout était fermé et je devenais insupportable. Alors mes parents me faisaient faire le tour de la maison plusieurs fois de suite quand je devenais trop chiante.
Après, quand je revenais, j’étais bien, on pouvait me demander ce qu’on voulait.
A chaque fois que je débutais un sport, je n’étais pas très bonne. Par contre, j’avais forcément la caisse avec tous le sport que je faisais. J’avais une condition physique qui me permettait de me démarquer. Comme je suis une travailleuse et que je n’aime pas être “nulle”, du coup, je travaillais énormément la technique et je progressais assez rapidement.
Au basket, je me suis plus investi car je me suis inscrite au club en parallèle et au lycée, la question s’est posée entre le Basket et le Kayak pour le choix de la section sportive et j’ai choisi le Kayak.
Je pense que quand je suis à fond dans un sport et que je m’éclate, je suis plutôt douée.
Sur les cross, j’ai fait plusieurs fois les championnats de France UNSS. J’étais souvent championne départemental, sur le podium au régional. J’étais sportive quoi.
Mon frère était aussi très sportif, il adore se mettre des “déchires” mais il aime un peu moins la compétition. Quand il était fatigué, il préférait se reposer ou aller avec les copains. Je pense que c’est là que ca a fait la différence. Il a quand même été médaillé au championnat d’Europe en junior, il a été en équipe de France U23 et après il a pris l’option plutôt “études”.
Moi, je suis vraiment une accro de la compétition contrairement à lui. C’est ca qui a fait la différence.
Depuis tout petit, on fait du sport, c’était une habitude, un peu touche à tout et une fois qu’on est mordu, j’ai l’impression que ca rentre dans notre quotidien et c’est dur de faire sans.
Notre petite sœur a suivi aussi. Elle aime bien faire du sport mais elle est encore moins compétition. C’est vraiment sport plaisir et elle s’éclate là dedans.
D’ailleurs, pour la petite anecdote qui est vraiment marrante, son premier cross au collège, elle est partie, elle était plutôt en tête, elle était dans le groupe de tête et sa copine se tord le pied devant elle, du coup elle s’arrête et elle a fini la course avec elle. Elles finissent donc vraiment vers la fin, elle l’a accompagné jusqu’à la fin. C’était une petite foulure, elles ont fini toutes les deux en marchant alors que complètement l’inverse, moi à sa place, je serais passée à fond, j’aurais dit “Yes", une en moins quoi.
C’est là que l’on se rend compte que l’on n’a pas le même esprit de compétition. Je trouve ca beau ce qu’elle a fait, vraiment génial et je l’admire pour ce côté là parce que moi, mon instinct de compétition prend le dessus. En course, c’est pas de cadeau.
Les Secrets du Kayak - Objectif Kayak
Manon Hostens : C’était soit le sport études à Périgueux, soit le pôle espoir de Pau en Kayak (Périgueux, c’était le basket), du coup, on avait une planification d’entraînement et on n’avait pas basket.
La seule fois où on a eu basket, c’était en cours d’EPS. J’ai donc vraiment arrêté le basket à partir du lycée mais aussi parce que je trouvais vraiment mon compte dans le Kayak. L’ambiance qu’il y avait, la dynamique du pole espoir, elle m’a galvanisé.
Alors que l’ambiance au basket, c’était plus un groupe de copine du collège qui allait un peu se dispatcher au lycée et c’est ca qui me motivait, j’adorais la compétition, le sport d’équipe et je pense que je l’aurais un peu perdu sur le sport études.
Le Kayak, c’était vraiment le sport qui me plaisait au delà de l’ambiance entre copine. C’est ca qui a penché dans la balance, même si j’avais plein de copines aussi au Kayak.
En cadette 1, j’ai fait les championnats de France de descente. J’avais été championnat de France alors qu’au basket, j’étais restée au niveau régional.
Mais c’est plus l’ambiance des championnats de France où on est en camping, c’est une grande famille le Kayak. Je pense que c’est ca qui m’a plus motivé que les résultats parce qu’au final, j’avais plein de portes ouvertes au basket mais c’est pas du tout la même organisation au niveau fédéral ce qui rend difficile la comparaison entre les deux sports.
Mon frère m’a un peu convaincu aussi comme il était dans le Kayak. On est donc retrouvé tous les deux au pole espoir de Pau.
Le premier club où j’ai commencé le Kayak, l’entraîneur n’avait pas du tout une optique de compétition. C’était du Kayak "plaisir”. On nous apprenait à naviguer, à être en harmonie avec la rivière, à vous éclater dessus. J’étais plus dans cette dynamique là.
Comme j’étais hyper compétitrice, il y avait une ou deux courses qu’il y avait au niveau départemental et régional, et ca, c’est d’autres clubs qui m’ont parlé de compétition. Mes parents ont suivi.
Quand j’ai fait les tests, c’est là qu’on m’a dit que je pouvais être prise en pole espoir. J’ai d’abord été invitée sur les stages, par rapport aux compétitions que j’avait faite, et c’est là que j’ai découvert le monde qu’il y avait derrière et la progression que je pouvais avoir.
A chaque stage, j’étais une éponge, il y avait des coach, je prenais les retours, j’écrivais dans des cahiers tout ce que l’on pouvait me dire, et je travaillais ca jusqu’au prochain stage.
Comme je n’étais qu’avec des gars, c’était un petit club, je m’accrochais pour les suivre, je ne voulais pas être le boulet du groupe. J’étais tout le temps à fond.
Après quand je suis arrivée au pole, j’avais un coach dédié, un plan d’entraînement. J’ai commencé à passer des caps, à progresser. J’ai découvert ce qu’était la musculation, à avoir une planification organisée.
Chaque année, j’apprenais encore plus. J’avais cette soif de découvrir jusqu’où je pouvais aller.
J’ai découvert très tard qu’il y avait des championnats de France. Quand je m’y suis retrouvée, je voulais gagner. J’avais gagné la classique et en sprint, j’étais un peu plus loin donc je me disais qu’il fallait que je progresse en sprint. On m’a alors parlé des championnats d’Europe et du monde.
Je me disais que comme je rentrais en pole espoir, que j’avais été championne de France, je vise l’équipe de France sauf que c’était en junior et que j’étais cadette 2. Mes temps étaient bons et je voulais y aller, je voulais tenter ma chance. J’ai donc été surclassée et j’ai fait une médaille dès cadette 2 au championnat d’Europe junior.
A partir de là, j’étais sur le podium en descente à chaque compétition internationale.
Les Secrets du Kayak - Le passage à la course en ligne
Manon Hostens : Au challenge minime, j’ai découvert la course en ligne et comprise qu’il n’y avait pas que la descente et le slalom.
Dans mon club, il n’y avait aucun bateau de course en ligne. Je ne savais pas que ca existait.
Sur les challenges minimes, c’est des combinés de course en ligne, de descente, de slalom, de kayak polo… Il y a vraiment de tout et je trouvais que c’était super pour ceux qui n’ont pas de gros clubs.
C’est donc là que j’ai découvert le Kayak de course en ligne et surtout que l’effort me plaisait, qui ressemblait un peu aux cross, à de l’athlétisme dans lesquels j’arrivais à m’exprimer, à me mettre des grosses déchires.
J’ai donc découvert la ligne avec les régates nationales où j’ai fait des podiums alors que ca faisait deux mois que je faisais de la course en ligne avec un bon paquebot.
Après je suis quand même repartie sur de la descente mais c’est resté dans un coin de ma tête puis il y a eu les premiers Jeux Olympique de la jeunesse en 2010.
Je me suis entraînée pour et je suis allée à ces Jeux Olympiques et c’était un truc de dingue. C’est là où je me suis rendu compte de ce que c’était et que mon rêve olympique a pris naissance.
Je m’éclatais dans la descente, je voulais devenir championne du monde de descente et le jour où j’y arrive, je passe à la course en ligne pour viser encore plus haut et vivre des “vrais” Jeux Olympiques.
Au Pole espoir de Pau, c’était plutôt slalom et descente, c’était un peu compliqué de faire de la course en ligne.
En Junior 2, j’ai été pris au Pole France de Toulouse et là il y avait les trois. J’étais plus sur course en ligne et descente et j’ai commencé à faire une vraie préparation pour la course en ligne. Du coup, cette année là, j’ai été dans les deux équipes de France. J’ai fait 3 ème en Classique, en sprint et en 1000 m sur la course en ligne.
Techniquement, il y a des grandes similitudes. La descente est un mixte du slalom et de la course en ligne. On est beaucoup plus polyvalent quand on fait de la descente pour aller dans un bateau de ligne ou dans un bateau de slalom.
C’est pas tout à fait pareil car il faut s’adapter à l’embarcation. C’est une pâle creuse et il faut faire glisser le bateau, ca, c’est pareil mais la stabilité n’est pas la même, la forme de la pagaie n’est pas pareille mais il y a de grandes similitudes.
Le geste et la glisse que j’arrive à avoir en course en ligne m’a énormément apporté pour la descente et je pense que mon parcours, d’avoir fait énormément de sport, d’être assez travailleuse m’a permis de m’adapter très vite.
Je pense que cette capacité d’adaptation se développe et c’est pourquoi je pense que j’arrive à m’adapter assez vite en fonction de l’embarcation.
Je trouve un bateau de descente bien plus stable qu’un bateau de course en ligne. Au niveau proprioception, ce n’est pas pareil.
Quand je vois des ligneux hyper à l’aise dans leurs bateaux, ils peuvent boire, manger, mettre leurs jupes, l’enlever, enlever leurs freins, se déshabiller au milieu d’un bassin, comme ca, facilement alors que je ne suis pas du tout à l’aise dans mon bateau pour faire ca, et que lorsqu’il rentre dans un bateau de descente et qu’ils ont du mal à mettre leurs jupes parce que ce n’est pas la même proprioception au niveau de l’assise, et de comment on est calé, ils sont beaucoup moins à l’aise.
Je pense que c’est plus comment on s’est construit autour du bateau. Je vais être beaucoup plus à l’aise dans un bateau de descente qu’un ligneux dans un bateau de descente mais eux vont être plus à l’aise dans leurs bateaux de course en ligne. Il y a une question d’habitude et d’expérience.
Toutefois, la descente est censée être plus stable et un bateau de slalom encore plus stable.
Les Secrets du Kayak - Question matériel
Manon Hostens : Je suis en bateau bien stable. Là, j’étais en Plastex Fighter 09, une très vieille construction, qui est une poutre ancrée dans un rail, qui garde bien sa ligne dans lequel je peux vraiment m’exprimer.
Comme Plastex a sorti un nouveau bateau, le Bullet 2020, qui est aussi très stable mais très nerveux, qui a plus de volume au niveau du pont, cette année, je vais m’orienter vers ce bateau là car quand le bassin est démonté, comme il a plus de volume vers l’avant, j’ai l’impression qu’il peut sortir plus facilement des vagues et que je peux plus m’exprimer avec.
Après dans mon 09, j’étais un peu comme dans un bon paquebot, même si ca reste très instable.
J’ai souvent changé d’embarcations entre la descente et la course en ligne, et je m’adapte très très vite. Je sais que si on part en stage et que j’ai un Nelo, que ce soit un Cinco ou un Quattro, j’arrivais à faire de super séances avec aussi.
Je pense qu’il faut accepter que ce n’est pas le même bateau, d’avoir les mêmes sensations et d’arriver à avoir le même schéma moteur et à s’exprimer. A partir du moment où on arrive à faire cette gymnastique là, c’est assez facile de changer d’embarcations et de retrouver ses repères, même s’il faut 2-3 séances pour se remettre dedans et à s’approprier ce nouveau bateau.
Les secrets du Kayak - Ton expérience des Jeux Olympiques
Manon Hostens : Dans mon projet, à la base, je m’étais dit que je voulais être championne du monde de descente avant d’aller aux Jeux sauf qu’arriver en septembre 2015, je n’étais toujours pas championne du monde mais il y avait aussi cette idée de JO qui était là.
J’avais envie de voir ce qu’était des sélections olympiques, de tenter ma chance, et donc cette année là, j’ai fait les deux.
J’y suis donc allée sans grandes attentes, mais avec énormément d’envie, de me battre, de décrocher ma place quand même. Ca a été une surprise. C’est pas comme quand ca fait 4 ans qu’on prépare ca et qu’on fait les Jeux.
Quand je me suis sélectionnée, c’était un peu une surprise. Il m’a fallu un peu de temps pour m’y faire et j’avais les mondiaux de descente aussi à faire. Au début, on m’a demandé de choisir car les mondiaux de descente étaient un mois et demi avant les Jeux.
Je voulais vraiment faire les deux et le Head Coach de l’époque m’a dit “okay” pour faire les deux parce que c’était un projet qui comptait pour moi mais cette fois-ci, c’est pour ramener l’or. et cette année là, j’ai gagné.
On te donne ta chance et t’as pas le droit de griller cette cartouche.
Après je suis allée aux Jeux la tête froide et reposée. C’était la première année où j’étais en équipe de France de course en ligne parce qu’avant, mon projet était vraiment dans la descente, et j’intégrais un kayak 4 places. C’était un peu délicat comme situation.
Je prenais la place d’une fille qui aurait du être là, qui avait pris le quota l’année d’avant, parce que je l’avais battu sur les sélections. C’était donc assez compliqué dans l’approche de la compétition.
Mais à côté de ca, l’univers, le monde des Jeux Olympiques, c’est un truc de dingue, c’est tous les 4 ans, c’est démesuré. L’ambiance qu’il y a, l’énergie qui en ressort et la couverture médiatique qu’on a. C’est le seul moment où on a de la visibilité dans notre sport.
Notre échéance terminale est en même temps que d’autres sports, côtoyer d’autres sportifs, le Club France, le village olympique…
Franchement, c’est une expérience inoubliable.
Il y avait un peu ce paradoxe où on avait préparé le bateau, la compétition en 3 mois qui était un peu compliquée mais à côté de ca, l’univers olympique qui est complètement démesuré par rapport à toutes les compétitions qu’on a pu faire, mon cœur balançait.
C’était assez bizarre mais je garde de cette expérience, de cette ambiance olympique, un excellent souvenir.
Par contre, en terme de réalisation de compétition et de la course, c’était un peu plus compliqué. Après c’est sur qu’il n’y a pas de mauvaise expérience et ca va me servir pour plus tard.
Je ne vais pas oublier ces jeux et je vais me servir de ce qu’on a pu faire pour faire mieux.
Les Secrets du Kayak - Retour à la descente
Manon Hostens : Je suis retournée à la descente après, car petite subtilité, à la descente, il y a la classique et le sprint et j’étais championne du monde de classique et pas de sprint où j’avais fait deuxième.
Et je voulais vraiment être championne du monde dans les deux, me dire que j’avais tout gagné en descente. Ca y est, je peux tourner cette page, sans scrupules, sans être passée à côté de quelque chose.
Surtout qu’en 2017, les mondiaux étaient à Pau, là où j’étais en Pole espoir, sur un bassin où j’ai été une des premières à naviguer dessus…
Comment ne pas faire de championnats du monde à la maison ?
En plus, c’était en septembre, un mois après les mondiaux de course en ligne, c’était donc compatible. C’était juste les sélections qui étaient un peu difficiles, mais ca s’est quand même bien passé malgré des calendriers qui ne sont pas toujours compatibles où il faut arriver à jongler, afin que dès le début d’année, d’arriver à fixer des priorités.
Donc ca, ca passe en second plan mais réussir quand même à le mettre dans la planification, et si ca rentre pas, y aller avec ce que tu peux et tu fais avec ce que tu as, en donnant tout, malgré que tu sois pas sur un pic de forme.
Pour les piges, c’est ce qu’il s’est passé. Par contre, une fois que les mondiaux de course en ligne étaient passés, j’avais un mois et demi de préparation pour vraiment tout donner.
En 2017, j’ai fait deuxième derrière Claire Bren. C’était une course de dingue et par rapport à ce que je travaillais, vu ce que j’avais fait les années précédentes, je partais avec un statut de leader comme j’étais vice championne du monde l’année précédente et en plus de ca, j’avais gagné les qualifications.
Souvent, ca met énormément pression et en même temps, c’était un peu une victoire personnelle, même si je fais deuxième et que je n’ai pas gagné, parce que j’avais fait une super course, j’avais vraiment passé un ca. En plus, comme c’était Claire qui gagnait, on a quand même eu la marseillaise sur le podium.
Depuis 2012, elle n’avait pas gagné. Je sais comment elle bossait, c’était donc un beau podium. J’en garde un bon souvenir et je n’ai aucun regret sur cette course.
Par contre, ca a été dur de savoir quoi faire après parce que mon objectif, c’est quand même de faire une médaille aux Jeux, et que faire les deux, ca fatigue énormément, et en 2018, les mondiaux de descente, c’est après 1 semaine de piges, deux semaines de coupe du monde, après on est censé avoir une semaine de récupération, mais non, ce sera les mondiaux de descente et juste après il y a les championnats d’Europe de course en ligne ce qui fait 5 semaines de compétitions.
Ca a vraiment été difficile de prendre une décision dans le sens où c’est la dernière année où je tente d’aller chercher ce titre de championne du monde ou je me mets à fond dans la course en ligne.
Les coach m’ont toujours soutenu, Fred (Rebeyrol) et même JP (Crochet), m’ont toujours soutenu à faire les deux car ils savaient que je m’épanouissais, que j’arrivais à performer dans les deux mais là en 2018, ils m’ont dit que j’étais à deux ans des Jeux, il faut que tu te recentres sur la course en ligne. En plus, chaque année, je faisais de moins en moins de descente au profit de la course en ligne depuis 2016.
Et là, 2018, c’était un gros challenge, et je leur ai dit, que je savais qu’ils n’étaient pas d’accords mais je veux encore me laisser l’option, l’opportunité d’être championne du monde de descente sprint.
Là, en plus, c’était sur une super rivière à Muotathal en Suisse, j’adore les rivières alpines. Je leur ai dit que c’était la dernière année et que j’allais le faire et ils m’ont suivi.
Je ne sais pas comment j’ai fait, même aujourd’hui quand j’en parle, je me demande c’est possible, c’était l’une de mes plus belles saisons.
J’ai fait 5 semaines de compétitions de dingue, d’abord avec les piges où j’avais énormément de pression, après on a commencé à construire le K2 avec Sarah pour la première coupe du monde, on a fait un podium sur la deuxième coupe du monde, après je suis partie sur les championnats du monde de descente alors que ca faisait trois semaines que je faisais de la course en ligne.
D’autant que je n’avais pas navigué sur cette rivière, qu’il fallait que je l’apprenne en deux jours, sans compter qu’on a eu un problème d’avion et que je suis arrivée une journée plus tard. J’ai été super bien coachée, il y avait une bonne dynamique au niveau de l’équipe et j’ai fait l’inverse de 2016 ; j’ai gagné le sprint et j’ai fait deuxième sur la classique.
Et là, après un mois de compétition, il y a les championnats d’Europe où on a le K4 et le K2 et tu ne peux pas abandonner tes coéquipières. Là, tu lâches rien et tu y vas à l’énergie.
Le K4, on est passé un peu à côté et sur le K2, on a fait championne d’Europe. Peut être qu’il n’y avait pas autant de concurrence, que tous les bateaux n’étaient pas là mais ca reste quand même une super course, un super podium car les autres filles qui sont sur le podium sont quand mêmes les 3 ème et 4 ème sur les derniers mondiaux.
Je ne sais pas comment j’ai fait ca. C’est facile avec le recul de dire que j’avais envie, de leur dire j’y vais et j’y arriverais mais sur le coup, ce n’était pas facile et si c’était à refaire, je ne sais pas si j’arriverais à le refaire.
C’était ma dernière course en descente et là, je me suis dit que je pouvais partir tranquille, avec l’impression d’avoir tout fait et de pouvoir partir à fond dans la course en ligne.
L’année dernière, j’ai vécu mes premiers championnats du monde où je n’y étais pas en tant qu’athlète et c’était assez difficile à vivre alors je me dis, qu’à l’avenir, surtout si c’est à la maison, pourquoi ne pas y retourner.
Je pense qu’il y a eu l’envie et puis une grosse part de mental qui m’a permis d’occulter la fatigue parce que la semaine d’après, j’étais crevée. J’ai eu du mal à revenir en Juillet aussi. J’ai eu mon autre pic de forme pour aout, par contre, comme prévu.
J’ai du me battre physiquement pour revenir mais ca m’a laissé des séquelles.
Cela me fait dire que si je veux performer en course en ligne, il faut vraiment que j’optimise tout. Il n’y a pas que le physique, il y a aussi le mental qui intervient énormément et l’insouciance, le grain de folie de ne pas dire non aux deux.
Tant que j’avais cet objectif et ce titre à aller chercher, je ne pouvais pas tourner la page sereinement.
Les Secrets du Kayak - Ton entraînement en Kayak
Manon Hostens : Comme je suis plutôt aérobie, j’ai du orienter mon entraînement vers le sprint. Ca s’était un peu mis en place en descente avec ma préparation de l’épreuve “Sprint”.
Parce qu’une épreuve “classique”, c’est 15 à 20 minutes tandis que le “sprint”, en descente, c’est 3 manches de 1 minutes. Ce n’est pas la même préparation.
Après, il y a des similitudes, si tu arrives à avoir de l’aisance en eau vive et que tu arrives à bien faire glisser ton bateau, tu arrives à faire facilement la bascule en descente.
J’ai l’impression qu’en fonction de mes objectifs mais aussi du profil des rivières, je ne m’entraîne pas pareil chaque année. C’est pareil en course en ligne, à partir du moment où j’ai eu un projet dedans, mon entraînement n’était pas le même.
C’est sur que par moment, je m’éclate moins parce qu’aller faire des bornes à un stage de ski de fond, ca m’éclate beaucoup plus que faire un stage de musculation qui va me permettre d’être meilleure en sprint.
J’ai vraiment modifié mon entraînement vis à vis de mon envie de performer qui entraîne du plaisir dans le fait que je peux progresser dans des endroits où j’ai moins de facilités.
Chaque début d’année, je cible mon objectif et je réfléchis à ce que je peux mettre en place pour y arriver.
C’est sur que j’adore l’aérobie mais si aujourd’hui, je veux être forte en 200 ou en 500 mètres, parce que pour du K4 et du K2, il faut des qualités explosives où ca se voit très bien sur du 200 mètres, il faut que je travaille ces points là pour être performante.
C’est pour cela que j’ai énormément réduit les entraînements en aérobie au profit du travail en salle et de séances courtes sur l’eau, avec du frein, beaucoup plus de techniques, de vitesse. Ca se fait progressivement aussi car tu ne peux pas tout faire d’un coup.
C’est aussi pour ca que mon corps a eu du mal l’an dernier avec mes douleurs musculaires à l’effort. On avait fait un cycle excentrique en musculation, même les cycles force, je ne dormais plus le soir. J’étais encore en train de me dire qu’il fallait que je soulève une barre. On a du apprendre à jauger.
L’aérobie, on l’a donc un peu plus coupé. Ca va être 20 minutes par ci en footing et ca aussi, ca m’aide à récupérer. D’année en année, j’ai réussi à changer mon profil même si je reste un profil très aérobie, je deviens de plus en plus musculaire.
Ca se voit que les photos, quand j’ai commencé la ligne, je faisais des photos dans le K4 où à côté des filles, j’étais toute gringalette, et là maintenant, je me fonds bien dans le paysage.
On voit qu’il faut laisser le temps au corps de changer. C’est frustrant car je n’ai pas envie d’être patiente, j’ai envie de performer tout de suite et je ne sais pas si ca va marcher parce que pour l’instant, la médaille aux Jeux Olympique ou aux championnats du monde, on ne l’a pas. Il y a encore du boulot.
Je fais en sorte de mettre toutes les chances de mon côté et d’optimiser tout ce que je peux, d’adapter ma planification, de voir l’entraînement en fonction de mes objectifs et des qualités que je dois avoir pour les atteindre.
Je n’aime pas du tout la musculation, c’est vraiment un effort que je déteste. Je n’apprécie pas la sensation que j’ai sous une barre. C’est musculaire, c’est dur, ce n’est pas comme j’aime. J’aime quand il y a le coeur qui tourne et qu’il bat fort, pas quand je suis en train de casser de la fibre sous une barre. C’est vraiment une sensation que je n’aime pas.
Au bout d’un moment, comme on en fait énormément, tu es obligée de prendre un certain plaisir et j’essaie de trouver des ouvertures, comme dit Fred, mon Coach, c’est la “machine à raccourcir le 500”, ca va me servir en bateau. J’essaie d’y aller avec énormément d’énergie, de me dire que c’est vraiment bon pour le bateau, de trouver des stratégies pour trouver du plaisir là dedans.
L’hiver, c’est plus facile de trouver du plaisir parce qu’il fait froid dehors, on se dit qu’on va en salle et au chaud mais ca reste pas facile pour moi.
Mes meilleures performances sont de 85 kg au développé couché et au tirage planche. Par contre, sur les tests 2 minutes, ca, c’est un effort qui me correspond plus, même si ca reste très musculaire à la fin. Je suis plus facilement dans le “top” quand c’est de l’endurance à l’inverse de la résistance lourde ou pire, de la force. La puissance, j’arrive à progresser, à voir des évolutions, mais après le reste, c’est un peu plus difficile.
Ca reste un mystère pour moi de savoir si la musculation en salle m’aide sur l’eau ou si ma technique a évolué et du coup, comme je suis plus gainé, de faire du frein et/ou de la musculation en bateau va m’aider à plus me muscler ou si c’est les séances de gainages, les séances de déchires que je me mets en musculation qui vont aussi m’apporter sur l’eau. Je pense qu’il y a un peu des deux.
En 2016, je pesais autour de 60 kg et là, je suis plus vers les 63 kg, tout en ayant perdu de la graisse pour 1m68,5.
Les Secrets du Kayak - Retour sur ton stage en Australie
Manon Hostens : Ca fait déjà 3 fois que j’y vais. Pour l’hiver, c’est vraiment bien parce que c’est facile de s’entraîner, de faire des bornes là bas comme il fait chaud, les journées sont plus longues également ce qui fait qu’on peut plus facilement espacer les séances et surtout on s’entraîne avec l’équipe d’Australie, ce qui fait une bonne émulation internationale.
Il y a beaucoup d’européennes qui y vont comme les autrichiennes, les slovènes, les suédoises. Il y a aussi l’Open de Sydney qui est là bas ce qui nous fait une compétition internationale en février ce qui est plutôt cool même si on n’est pas sur notre pic de forme. C’est bien de reprendre la compétition un peu plus tôt et de jauger de la concurrence. J’aime beaucoup aller en Australie.
Après c’est sur qu’il faut y partir longtemps pour pouvoir s’acclimater au décalage horaire mais ce qui est bien, c’est que ca nous préparait pour Tokyo où c’est le même décalage horaire à 2-3 heures près.
On part en général 2 mois à chaque fois.
Les sélections australiennes sont en février ce qui fait qu’ils s’entraînent différemment de nous. Ils font plus de séances d’intensités que nous, du moins plus tôt.
Déjà fin janvier, elles se mettaient des déchires parce que la première fois où on a été, on a fait leur planification et ca nous a choqué. Ca nous a stimulé et sorti de notre zone de confort.
J’ai l’impression qu’on arrive tous en forme sur les coupes du monde et sur les mondiaux, on a tous deux pics de forme. Les australiens disent qu’ils en ont trois : un en février, un en mai et un en aout mais qu’ils arrivent un peu rincés à la fin de la saison. Ils sont quand même bien là et présents.
Je ne pense qu’il y ait qu’une seule recette, qu’une seule manière de s’entraîner. Il y a de grandes similitudes dans beaucoup de choses que l’on fait mais il y a aussi des petites différences, mais qui donne à peu près le même rendu au final.
Après ca se joue au mental car il n’y a pas 15 000 façons de se préparer. Les dixièmes et les centièmes, ca se joue dans la tête.
Les Secrets du Kayak - L’Entraîneur
Manon Hostens : J'ai toujours eu le même entraîneur depuis que je suis au pole de Toulouse. Notre relation a évolué.
Quand je suis arrivé en junior, on était en descente. Il avait une quinzaine d’athlètes ce qui faisait beaucoup de monde. Il y avait une groupe jeune et un groupe senior.
En début d’année, il nous suivait un peu plus pour lancer les bases mais à l’approche des compétitions et des mondiaux seniors, il était plus avec les seniors.
Comme il y avait plusieurs groupes et beaucoup d’athlètes, il y avait aussi beaucoup d’autonomie.
Je me suis formée un peu comme ca, dans un groupe de jeune où on se motivait, où on se donnait des retours entre nous quand le coach n’était pas là.
Je suis vite devenue senior, rejoint donc le groupe senior mais j’étais la jeune senior donc il était plus avec ceux qui étaient potentiellement médaillables.
Les plus anciens ont arrêté pour finir par devenir la plus ancienne et quand ca fait 10 ans que tu te connais, tu crées un certain fonctionnement et il y a un moment, j’étais presque seule et là, notre relation a encore évolué où on était plus que deux ou trois avec des niveaux assez espacés, ce qui faisait une relation un peu privilégiée.
Ensuite, le groupe s’est réouvert, agrandi, je suis passée à la course en ligne, lui aussi, il est devenu coach de la course en ligne pour les filles. Léa et Max sont venus à Toulouse, les marathoniens, les jeunes aussi, ce qui a aussi changé nos rapports.
Ca a évolué et on n’est jamais tombé dans notre même routine.
Et puis, il y avait aussi JP qui intervenait sur le pole de Toulouse au début, ce qui complétait les retours que je pouvais avoir avec Fred.
Ce que je trouve aussi génial, c’est qu’il m’a toujours poussé quand on était en stage de descente à aller vers d’autres coach pour avoir d’autres pistes, parce qu’il n’a pas la science infuse et que ce qu’il me disait pouvait ne pas me parler du tout, peut être que d’autres coach vont plus te parler, te donner des pistes et tester et après on en reparle.
Je trouve ca génial parce que ca m’a permis de rester ouverte à d’autres propositions, à ne pas nous enfermer à deux, dans une seule façon de voir les choses.
C’est original qu’un entraîneur de descente devienne un entraineur de course en ligne. Après la technique de glisse reste la même, l’approche de la compétition aussi… C’est comme Yannick Agnel qui va coacher du E-sport. J’ai l’impression que les grands principes du sport restent les mêmes.
Après entre la descente et la course en ligne, il y a de grandes similitudes pour faire avancer le bateau et je trouve ca enrichissant parce que souvent, les ligneux forment des ligneux et on reste un peu enfermé dans ce que l’on a appris ce qui rend plus difficile de s’ouvrir tandis qu’en venant de la descente, on a une certaine façon de fonctionner et à la ligne, il y a une autre façon de fonctionner et donc tu mixes les deux et ca ne peut qu’être enrichissant.
C’est le pourquoi du collectif. Il n’y a pas qu’une seule personne qui a la science infuse et la richesse du collectif est bien plus instructive que quand t’es tout seul à croire que ta recette fonctionne à coup sur.
A Toulouse, le bassin n’est pas si bien que ca mais c’est une bonne ville étudiante et les structures sportives ne sont vraiment loin des écoles ce qui fait qu’on perd très peu de temps en transport, tout se fait en vélo et on n’est pas loin des Pyrénées pour ceux qui aiment la nature, faire de grandes randonnées, des sorties ski de fond l’hiver, même du ski de piste, c’est juste génial.
On n’est pas loin de la campagne non plus.
Je pense que l’ambiance et la dynamique qu’on a à Toulouse fait que ca attire aussi, même s’il y a aussi des bonnes ambiances dans les autres structures mais ca fait très convivial à Toulouse, c’est ce que j’aime et que je pense que les gens viennent chercher.
Et aussi les Coach. Je sais que Léa est venue à Toulouse, entre autre, pour Fred qui semble très bien lui convenir et que je pense que c’est pareil pour Max.
Je ne pense pas que Toulouse soit mieux qu’une autre structure. Je sais juste que j’y suis bien, que je m’y retrouve bien, ma famille est vraiment pas loin, j’adore l’aérobie et les autres sports de pleine nature. Aller faire une journée à la montagne en pleine semaine, ca coupe un peu et tu as l’impression d’être en vacances.
Je sais pourquoi j’aime être à Toulouse et que j’y suis.
Les Secrets du Kayak - A côté
Manon Hostens : On a des stages de ski de fond d’une semaine. J’ai d’ailleurs appris en arrivant au pole de Toulouse. Le directeur de l’époque, François Martinez alias Paco, qui est prof de ski aussi, qui m’a appris à faire du ski.
On a trouvé un équilibre entre développement musculaire et aussi un peu d’aérobie plaisir. On essaie d’y aller une fois par semaine dans la préparation hivernale, en plus de la musculation. Aussi pendant les vacances, comme je fais ce que je veux… :)
J’ai pas une très bonne technique mais comme j’ai la caisse, je pousse sur les bras et ca va bien.
A la pause entre deux saisons où je fais un break sur l’entraînement, mais comme j’adore courir, faire du sport, je continue quand même à en faire, surtout de l’aérobie et là, par contre, je fonds musculairement.
En bateau, je ne perds pas car je retrouve de la fraicheur musculaire. Après c’est sur que si je fais ca sur une longue période, je vais perdre de l’explosivité.
Je n’aime pas faire de pauses ou alors à la rigueur deux semaines, mais confinement oblige, j’ai fait la plus longue pause de toute ma vie, je n’ai pas trop perdu en stabilité et c’est vite revenu. C’est comme si on te disais que ca fait deux ans que tu n’as pas fait de vélo, si tu vas arriver à en refaire, ca ne s’oublie pas.
C’est juste que tu sens, que si tu n’es pas entraînée physiquement, c’est plus difficile de rester gainé, de bien faire glisser mais la technique reste là et la stabilité reste. C’est juste musculairement où on est un peu moins gainé mais la proprioception, elle reste bien présente.
Je n’ai jamais de blessures en Kayak. Je me suis souvent eu des bosses sur la tête parce que je me retournais en descente, que je tapais le fond de la rivière et que mon casque était mal attaché.
Je me suis plus blessée en dehors du Kayak sur les footings sur les chevilles. En même temps, quand je faisais du basket, ca m’a fait des chevilles en carton à force d’avoir des entorses.
Après en musculation, avec des mauvais positionnements, au développé couché, j’ai eu des inflammations du ligament acromio-claviculaire et une petite déchirure au deltoïde antérieur mais jamais rien en bateau. Au moins après, ca t’apprend à avoir de meilleurs gestes et une meilleure posture.
Les Secrets du Kayak - Objectif Tokyo
Manon Hostens : On s’entraîne pour la médaille car je suis compétitrice, et l’or mais je sais que vu mon niveau, c’est un peu prétentieux de dire ça pour Tokyo mais en tout cas pour Paris, c’est vraiment l’objectif, donc je suis vraiment là dedans.
Après là, les sélections ne sont pas encore passées, on ne saura qu’en mai si c’est notre K2 qui va aux Jeux, même si on est bien parti. On avait des points bonus qu’on a perdu cette année avec la finale des Open qu’on a fait en septembre, mais en tout cas, on s’entraîne pour ca, pour aller chercher la médaille, c’est vraiment notre objectif.
On a les crocs pour aller la chercher. On donnera tout et on verra ce qui adviendra.
Cet été, on a fait beaucoup de K2, plus que les autres années, mais là comme Sarah est un peu blessée, on en fait un peu moins actuellement. A partir de février / mars, on va essayer de reprendre nos automatismes et d’en faire plus que l’année dernière. Chaque année, on essaie d’en faire un peu plus. On commence à bien se connaître.
L’entraînement reste quand même très axés sur de la préparation en monoplace.
Je vise également une qualification en K1 surtout que c’est compatible. Ca va vraiment dépendre des coupes du monde, des possibilités pour faire des performances.
Si c’est juste pour m’aligner et essayer de faire une finale, ca va me prendre de l’énergie pour le K4. Je vais y réfléchir mais si je sens, qu’en fonction des résultats que je vais faire en coupe du monde, il y a la possibilité d’aller chercher un podium et que c’est vraiment possible, que ce soit en K1, en K2 ou en K4, que je peux faire les trois, ca m’intéresserait ou même, à la rigueur, si c’est pour prendre de l’expérience pour Paris.
En terme de sélection pour les équipages, c’est compliqué car il y a une notion de compatibilité qui ne dépend pas uniquement du niveau, même s’il y a de grandes chances que les deux meilleures en bateau soient les plus rapides en équipage mais selon comment tu pagaies, on n’a pas tous la même technique, et du coup, par moment, tu n’arrives pas à t’exprimer quand tu es dans un bateau avec une autre personne ; on se gêne plus qu’autre chose.
Après grosso modo, si tu gagnes tout, t’es quasiment sure de faire ce que tu veux et de choisir tes coéquipiers et tu as beaucoup moins de possibilités de ne pas être dans un bateau. C’est pour cela que les coupes du monde rentrent en jeu dans la sélection, à partir de nos précédents résultats, et en fonction des résultats en coupe du monde, la fédération va faire les équipages.
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