Interview : Jean-Pascal Crochet

Ceci est une retranscription écrite du podcast enregistré avec Jean-Pascal Crochet en avril 2021.

Les Secrets du Kayak - Comment vas-tu aujourd’hui ?

Jean-Pascal Crochet : Ça va bien, merci.

Les Secrets du Kayak : Pour ceux qui ne te connaissent pas puisque tu n'es pas athlète actuellement, comment pourrais-tu te présenter ?

Jean-Pascal Crochet : Actuellement, je suis le head-coach du sprint en canoë-kayak.

Avant ça, j'étais entraîneur en descente de rivière, entraîneur en sprint depuis 2004, et avant tout ça j'étais athlète de descente.

J'ai pratiqué un tout petit peu la course en ligne de 1994 à 1996.

J'ai rencontré des athlètes de course en ligne intéressants, et qui m'ont appris à aimer ce sport.

Les Secrets du Kayak : Comment as-tu commencé le kayak ?

Jean-Pascal Crochet : C'est une histoire d'opportunité.

Je vais peut être choquer un peu : moi, je ne voulais pas faire du kayak, et je vais te dire que je n'aimais pas plus le kayak que ça.

Mais, aujourd'hui je dois tout au kayak !

En fait je faisais de la gym, et vers 11 ans je voulais faire pilote de rallye, pilote automobile.

Mes parents ont eu l'intelligence de comprendre que ce qui m’intéressait vraiment c'était la compétition !

Et même si je voulais faire pilote automobile, eux clairement ne le voulaient pas.

Ils m'ont inscrit au kayak parce qu'ils connaissaient des champions de kayak, qu'ils les croisaient dans le village.

Ils m'ont donc inscrit au club, c'était à la même période qu'un cycle découverte que j'avais fait au collège.

J'ai commencé comme ça. Et j'ai découvert un sport où j'ai pu m'exprimer, côtoyer des champions, et c'est ce que je voulais.

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Les Secrets du Kayak : Et quand tu faisais de la gym, tu ne faisais pas de compétitions ?

Jean-Pascal Crochet : Un peu mais pas en FFG, mais c'était la fédération sportive et culturelle de France.

Les compétitions, c'était moyen. Il n'y avait pas vraiment d'ambiance compétitive.

Je ne côtoyais pas de champion, et avec mes parents je côtoyais le milieu de l'automobile, donc des gens qui faisaient des courses automobiles.

C'est pour ça que je voulais faire pilote de rallye !

J'étais influençable par mon entourage, certainement. Dans tout les cas, je voulais faire de la compétition !

Au Kayak, tu pouvais tout faire : réparer des bateaux alors que de base je n'avais pas le droit de toucher des outils dangereux, on faisait du ski de fond, du footing, de la musculation… et oui de la compétition.

Ma première séance de kayak, je ne m'en souviens pas vraiment.

Ce dont je me souviens de mon club de Vienne c'est que parfois le Rhône est un peu en crue, et parfois on allait dans une lône, comme un contre courant, en endroit à l’abri du lit principal de fleuve.

On allait y jouer dedans, ça faisait un peu peur, il faisait froid, je me souviens de ces séances là.

C'était un défi, une aventure une compétition avec les autres club, à savoir qui va rentrer dans la veine d'eau, qui va aller dans la vague.

Au début je nageais, mais j'avais envie de me mesurer aux autres.

Les Secrets du Kayak : Tu es beaucoup tombé au début ?

Jean-Pascal Crochet : Je t'ai entendu beaucoup poser cette question aux autres athlètes et entraîneurs que tu as interviewé.

Et franchement, tu tombes beaucoup mais je penses que je suis tombé un peu moins que les autres.

Moi j'ai commencé dans un bateau d'eau-vive, de slalom donc une embarcation large.

Mais au début, je ne suis pas tombé sur le plat.

Les Secrets du Kayak : Au club de Vienne, il n'y avait que de la descente ?

Jean-Pascal Crochet : Oui, un peu de slalom aussi.

C'était obligatoire de faire les deux.

Il y avait des champions de descente surtout. Mais pas vraiment de course en ligne.

Je crois que ma première compétition était du slalom.

Je n'ai pas eu de bons résultats rapidement, je ne suis même pas sur d'en avoir eu tout court.

Mes premiers résultats en championnat de France, c'était en cadet 2 parce que en cadet 1, je n'étais même pas sélectionné.

Je dois faire cinquantième en descente, je finis loin mais ça me plaît alors je continue.

Donc tu vois, ce n'est finalement pas l'idée d'être champion qui me plaisait !

C'est surtout le fait d'avoir plein d'activités, d'apprendre à s'entraîner même si les résultats n'étaient pas là.

Et en cadet 1 comme je n'étais pas bon à l'école, mes parents m'ont dit d'arrêter l'entraînement pour rattraper mes résultats scolaires. Pendant un trimestre, je ne suis pas allé au kayak.

J'aimais bien m’entraîner, apprendre à jouer avec les éléments.

Je progressais au fur et à mesure, en junior j'étais dans les quatre ou cinq premiers, je n'étais pas loin d'être sélectionné pour les championnats du monde.

J'ai des carnets d'entraînement chez mes parents avec tous mes temps en kayak, en footing, en musculation.

Je jouais avec mon corps pour le faire évoluer.

Tous les ans je ressort les carnets et avec le recul en comparant avec les jeunes d'aujourd'hui, je ne m'entraînais pas si souvent.

Je m'entraînais dix ou douze fois par semaine.

C'est déjà pas mal, mais aujourd'hui les jeunes font plus et mieux.

Je me souviens en cadet, j'avais décidé que tous les matins j'irais courir, entre février et mars entre 25-45 minutes, et après l'école les entraînements de kayak : au bout d'un mois et demi, j'étais mort !

Ça a été mon premier surentraînement...

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Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu as fait d'autres erreurs d'entraînement ?

Jean-Pascal Crochet : Oui, au début quand j'ai été entraîneur avec le recul je me suis aperçu que j'avais fait toutes les erreurs qu'il ne fallait pas faire.

Maintenant mon but c'est de permettre aux athlètes d'éviter toutes les erreurs que j'ai pu faire.

Une qui me marque encore maintenant, quand je faisais de l'aérobie je le faisais à fond.

J'ai fait ça pendant des années, avec des hypoglycémies, j'en avais des hallucinations de bouffe pendant la course que je voyais dans les arbres.

Mentalement, de l'aérobie à fond sur deux heures c'est une grosse erreur, et tu ne peux pas développer d'autres qualités dernière.

J'étais encadré par d'anciens athlètes du club qui nous entraînaient en se tirant la bourre.

Par la suite je suis allé au pôle de Lyon, et là j'ai eu un entraîneur incroyable.

A l'époque, je n'avais pas tout compris de sa méthode. Maintenant je me rapproche de sa philosophie.

Il n'était pas focalisé sur la planification., sur cette partie là je me gérais.

Entre les consignes données par l'entraîneur, et ce que l'athlète comprend il y a une perte d'informations dans la communication. L'athlète va mettre du temps à réellement comprendre ce que tu lui as dit.

Mon entraîneur avait une vision globale de l'entraînement basée sur le développement de l'être humain et du sportif, plutôt que sur la planification, la technique...

Au début lorsque j'ai voulu être entraîneur, je me suis dit que je ne ferai pas comme lui.

Je suis sorti de l'école, j'avais appris des trucs, je bossais sur des programmes d'entraînement, de la planification.

De plus en plus aujourd'hui je me rend compte qu'avoir une approche globale c'est important pour faire évoluer l'individu. Mais il faut que l'athlète comprenne pourquoi par lui même, sinon ça ne marchera pas.

Si ça fait du bien au mental, ça fait du bien au corps.

C'est beaucoup plus efficace quand tu fais les choses parce que tu les as comprises, que si tu les lis dans les livres de planification ou les études.

Les études je m'en méfie aussi un peu, mais la science et les études contradictoires sont là pour faire avancer le débat, et faire évoluer la discipline.

Donc en junior 2, je suis dans les meilleurs français, après ça c'était senior car il n'y avait pas les moins de 23 ans.

Ça m'a pris du temps pour trouver ma place et comprendre toute cette logique d'entraînement, pour que je m'améliore et que je progresse.

Mon objectif c'était d'être champion du monde, et je n'ai pas réussi à l'être.

J'avais finis mes études, j'étais encore athlète, j'y croyais encore à cet objectif, je savais que ça me prendrait beaucoup de temps !

Mais j'aimais aussi vraiment mon métier, et j'ai préféré me consacrer à aider les autres à atteindre leurs objectifs.

J'ai fait le deuil de devenir champion du Monde, au mieux j'ai fait onzième, j'avais 26-27 ans.

J'avais réussi mon concours de professeur de sport. L'année d'après j'étais entraîneur et athlète, donc je faisais mes entraînements après ceux des athlètes, tout passait après eux... c'était la fin.

J'ai fait STAPS à Lyon, je n'étais pas très assidu et après je suis entré à l'INSEP pour faire la formation d'entraîneur d'athlète de haut niveau.

L'idée gamin c'était d'être ingénieur mécanicien, ça passait mieux auprès de mes parents que pilote automobile.

Mais dès mes 16 ans quand j'ai apprécié m'entraîner, j'ai su que je voulais être entraîneur.

Après le BAC, je suis entré en STAPS, j'avais dit à ma mère que je m’inscrivais aussi en fac de maths.

J'ai été pris en fac de sport et ensuite j'ai passé le BE1, je n'ai pas beaucoup travaillé en fac, et ensuite dès le DEUG j'ai tenté de rentrer en formation à l'INSEP en 1992, je n'ai été pris que deux ans après.

Pendant tout ce temps, je m'entraînais avec des athlètes de course en ligne au pôle de Vaires, Philippe Aubertin, Sabine Goetschy...

Il m'ont appris plein de chose sur la technique.

C'est là que j'ai passé un cap, et que j'ai trouvé ma place en équipe senior. Et c'est là que j'ai fait mes meilleurs résultats.

La course en ligne m'a appris la technique de glisse pour faire avancer le bateau et être plus performant en descente, j'ai pu retranscrire ça en eau-vive.

Pour moi le plus instable c'est le bateau de course en ligne, après naviguer en eau-vive en descente c'est instable et ta descente dépend des éléments.

Quand tu tombes dans l'eau en descente, tu n'es pas tranquille. C'est l'aspect mental qui va être différent.

Une fois que tu as les bases en bateau, peu importe le type de bateau tu tiens dedans.

Mais j'avoue que je ne faisais pas le malin en stabilité parmi les ligneux au pôle de Vaires.

Les Secrets du Kayak : Tu as directement entraînais le haut niveau ?

Jean-Pascal Crochet : Au club de Vienne, j’entraînais bénévolement les juniors sur plusieurs générations dont une génération assez forte, pendant mes études.

Et lorsque je suis devenu prof de sport, il y a eu une première étape avec un entretien pour sélectionner les personnes.

Mon discours était clair : je voulais être entraîneur, rien d'autre.

Ensuite quand j'ai eu le concours, sur les conseils du formateur j'ai commencé à chercher dans les directions départementales pour avoir des jeunes à encadrer.

Et un jour il m'a rappelé pour me proposer d'être entraîneur eu bataillon de Joinville. C'est là où les sportifs de haut niveau faisait leur service militaire, mais surtout s'entraîner.

J'avais une heure pour réfléchir, j'ai dit oui de suite.

Et j'y ai côtoyé les descendeurs, les slalomeurs, et surtout les athlètes de course en ligne.

J'y suis resté juste un an, j'ai eu un autre coup de téléphone du DTN (Directeur Technique National) Hervé Madoré, pour me donner le poste d'entraîneur en descente à Poitiers, au pôle.

Je n'ai pas discuté, là j’entraînais les athlètes pour les emmener aux championnats du monde de descente !

En descente, le dernier titre de champion du monde datait de 1993, c'était super vieux.

Moi je deviens entraîneur en 1997, et il y avait les championnats du monde de descente prévu en France en 2000.

Les athlètes étaient très forts mais ils font deuxièmes. La déprime. On avait perdu chez nous !

Je les entraîne, dont Stéphane Santamaria, mais je continue à entraîner les junior de Lyon comme Boris Saulnier et ma sœur du club de Viennes.

Les bons résultats sont arrivés en 2002, il nous aura fallu cinq ans pour les emmener au but.

Et la c'est la classe, Boris Saulnier est double champion du monde ! Et moi je suis content avec l'équipe de l'y avoir emmener.

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Les Secrets du Kayak : Une fois que tu as mené un athlète au titre de champion du monde, qu'est-ce qui te motive encore à entraîner après ça ?

Jean-Pascal Crochet : Ce n'est pas mon athlète. Certes on les aide en tant qu'entraîneur, mais c'est dur à refaire, de gagner une médaille d'or.

Je voulais permettre à plus d'athlètes de vivre cette expérience. Moi j'aurais aimé la vivre.

Donc les aider, je n'en serai jamais rassasié.

Le chemin est hyper intéressant pour y arriver, c'est un privilège rare d'y parvenir, c'est le chemin qui me motive pour eux et un coup pour moi.

Quand je suis devenu entraîneur en sprint, j'ai eu de l'empathie pour les entraîneurs de l'époque d'avant 2004. Parce que travailler autant sans jamais avoir de médaille, ça doit être très dur.

En 2004 après tout ça, le but c'était d'emmener les athlètes aux Jeux.

Ça n'est pas arrivé encore. C'est un privilège rare, comme par exemple avec Sylvain que tu as interviewé, c'est une chance que d'avoir emmené plusieurs athlètes à devenir champion Olympique.

C'est une qualité qui me motive énormément de pouvoir permettre à des entraîneurs aujourd'hui, et donc à des athlètes de vivre ça... et de les voir devenir champion olympique de sprint !

Les Secrets du Kayak : Est-ce que tu arrives à tout concilier avec ton métier, vie sociale, vie personnelle, vie professionnelle... ?

Jean-Pascal Crochet : Chacun peut avoir sa perception. Moi j'ai la chance que ma compagne et mon fils acceptent bien mon projet de vie.

Oui j'ai réussi à concilier tout ça. Mais je suis d'accord que entraîneur c'est un métier de fou, je confirme que tu y penses tout le temps.

Il n'y a pas de moment où tu ne penses pas à tes athlètes, comment leur faire passer le cap !

Tu as une vie sociale autour de ton métier très riche, tu rencontres le staff médical, tu te nourris de tout ces gens.

Tu travailles avec des chercheurs... tout gravite autour de ça, et je ne suis pas sur de pouvoir faire ça toute une vie ; d'ailleurs je ne suis plus entraîneur.

Par contre il y a eu des moments où tu doutes, et puis ça dure ça continue et ça se passe bien. C'est un métier passionnant !

Aujourd'hui je ne suis plus directement au contact des athlètes tous les jours. Dans tout les cas, c'est un métier qui n'est pas assez reconnu en France.

Les Secrets du Kayak : Qu'est-ce qui fait que tu passes d'entraîneur de course en descente à entraîneur de course en ligne ? C'est l'aspect olympique ?

Jean-Pascal Crochet : Pas tellement, mais plutôt tout ce qui tourne autour de l'olympisme.

C'est la fédération de canoë-kayak, donc c'est un autre DTN.

En 2004, ils changent tous les entraîneurs, donc tout le monde doit re-postuler. Moi je postule sur le sprint, ils acceptent.

C'est le même challenge mais avec plus de moyens pour jouer. Plus de ressources humaines et financières, plus de travail d'équipe.

Moi je ne suis pas plus attaché à la descente qu'au sprint, ou bien même au kayak, pourvu que je puisse m'enrichir des gens, j'y vais.

Il y a d'avantage d'investissement de l’État pour les disciplines qui vont aux Jeux.

Je suis entraîneur élite et dans la tête du DTN et du DEF (Directeur Equipe de France) de l'époque, je n’entraîne pas au quotidien mais uniquement sur les stages et les compétitions.

Je dois aller tous les matins à la fédération, dans les bureaux pour le haut niveau et je n'ai presque pas le droit d'aller à l'entraînement tous les jours ! Mais ça se passe super bien.

Je voyais le projet sur les cinq prochaines années, et je m'occupais des meilleurs athlètes.

Et de tous les meilleurs il y a deux filles : Marie Delattre et Anne-Laure Viard qui ont fait dixièmes aux jeux en 2004, et en 2005 je m'occupe d'elles et elles font troisième aux championnats du monde.

Je savais que je pouvais apporter aux ligneux ce petit quelque chose en plus.

Même les garçons dès 2006, ils passent de sixième à champions !

C'est François qui s'en occupait. Il a fallu se battre pour construire le bateau comme on l'a voulu, et trois ans après ce bateau est champion du Monde. Un bateau français ! Enfin.

Alors je ne m'attendais pas à ne pas pouvoir entraîner au jour le jour. Mais j'aime ça donc j'y vais quand même, les entraîneurs étaient tous nouveaux.

Le DTN voulait que ce soit eux ces jeunes entraîneurs qui gèrent. Mais c'est les jeunes que j'avais pu aider à l'époque.

Donc j'entraîne en stage, je définis la stratégie d'entraînement de l'équipe de France avec le directeur des équipes de France, sur le mode de sélection, comment entraîner, qui va être responsable de quel bateau... donc mon rôle est hyper important.

Je ne m'attendais pas à ça, mais je me suis battu pour avoir un rôle sur le terrain.

Et au fur et à mesure, j'ai pu entraîner au quotidien.

Le DTN avait décidé que le pôle élite devait être à Toulouse, alors que mon projet de couple c'était être à Vaires pendant quatre ans.

Donc juin 2005, le DTN m'y envoie. Un mélange avec le slalom, avec Vincent Redon, Sylvain Curinier, et la descente, il y a mon frère et Frédéric Rebeyrol .

J'annonce ça à ma compagne c'était comme avoir gagné au loto, je pouvais entraîner tous les jours.

C'était dur, mais c'était sympa. Parfois je me retrouvais tout seul, j'ai eu une grosse période où le courant ne passait pas avec les athlètes.

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Les Secrets du Kayak : Comment on fait pour faire venir des athlètes sur son pôle ?

Jean-Pascal Crochet : A l'époque, ce n'était pas comme aujourd'hui.

Les athlètes sont fortement incité par le DTN à aller à Toulouse.

Sébastien Jouve a clairement été obligé, il a besoin d'avoir un emploi pour s'entraîner, c'était à Toulouse.

Pour les autres, notamment avec Anne-Laure, clairement je lui ai vendu mon entraînement pour aller chercher une médaille aux Jeux ! Et ça fonctionne, elle vient.

Tu lui vends le projet : si un athlète y va de manière obligée, qu'il n'y croit pas, ça ne peut pas marcher.

Aujourd'hui on part du projet des sportifs donc ça part d'eux, ils ne peuvent pas être à un endroit où ils ne veulent pas être.

Le but c'est d'être bien, mais d'être dans un endroit qui leur convient pour être performant.

Puis, Sébastien Jouve arrive il avait l'air de s'y sentir bien, il a vite été rejoint par Vincent Lecrubier.

Il y a une bonne dynamique, toujours la présence de Boris Saulnier.

Un groupe homme, une kayak dame, et là ça commence à être bien.

Et 2007, Anne-laure et Marie font un podium, le K2 1000m avec Cyril et Philippe qui est champion du monde.

Sébastien Jouve lui est déçu ! Il voulait surtout faire du mono, il fait une finale B, mais c'est le meilleur français. Ça devient pas mal.

2008, sélection aux Jeux de Vincent et de Sébastien, Anne-Laure et Marie... ça s’enchaîne bien.

Il n'y a pas de médaille olympique mais des athlètes qui sont triple champion du monde, et des vice- champion du monde.

Pour rappel c'est le choix d'un DTN de faire ce pôle à Toulouse, celui d'après voulait le fermer 

Cette ambiance à Toulouse s'est développée au fur et à mesure. Il y en a qui sont venus contre la volonté du DTN à Toulouse.

Aujourd'hui la volonté des DTN c'est d'ouvrir les structures, ne pas les fermer aux athlètes.

Les bâtiments sont moins bien qu'ailleurs, on loue le club d'aviron pour tout te dire. Je ne sais pas pourquoi cette ambiance perdure, mais je pense que c'est lié aux humains qui y travaillent ensemble !

J'y suis encore. Quand je ne suis pas en stage, je suis à paris.

J'ai fini d'être entraîneur en 2016 quand les résultats de l'équipe de France ne passaient pas le cap de la médaille olympique. Le DTN change, le DEF aussi.

Les Secrets du Kayak : Comment tu expliques que le niveau français n'est pas monté en 2010-2011 et qu'il stagne ?

Jean-Pascal Crochet : Il faut qu'on apporte encore plus de nouveauté !

Moi, je peux constater qu'avant 2004 il y a eu un seul médaillé c'est Babâk en 2001.

Quand j'arrive, il y a un changement dans la direction de l'équipe de France, dans les entraîneurs, et en pas longtemps, il y a eu des médailles.

Ça veut dire quand même que ce qui existait avant c'était un bon travail.

Mais ce petit peu de nouveauté à fait passer un cap. Donc pour moi, l'hypothèse, c'est que dès 2011 on n'arrive plus à apporter de la nouveauté, pour passer un autre cap.

Cette nouveauté apporte de la motivation mais aussi des choses nouvelles non développées jusqu'à ce jour.

D'où l'importance des stages aussi à l'étranger.

En fait, en 2016 le nouveau staff ferme Toulouse, ils veulent m'envoyer à Paris mais ils me connaissent et savent que je vais dire non.

Ils ont surtout envie que j'arrête. C'est le cas, mais en février 2018 François redevient coach, et me suggère d'accompagner les filles Manon et Léa en Australie et Sarah Guyot en Nouvelle Zélande.

Là c'était énorme pour apprendre de la nouveauté. J'ai fait 15 jours en Australie, le courant ne passe pas trop avec la coach.

J'ai fait 15 jours en Nouvelle Zélande, et le coach nous a intégré grâce à Sarah au sein de l'équipe.

On participé au débrief, et là j'ai appris des trucs. Ça m'a confirmé des choses, mais cette expérience à été hyper enrichissante.

C'était les débrief de course de sélection aux championnats du monde. On a partagé des moments conviviaux avec la famille de Lisa Carrington et le coach.

J'ai participé à des réunions comme si j'étais à l'INSEP. Ils ne m'ont pas tout montré mais quand même !

C'est super dur à mettre en place. C'est Sarah qui a eu envie de faire ça, le coach été hyper intéressé par elle, parce qu'elle a eu la meilleure vitesse de pointe aux Jeux de 2016. Ça les a intrigué, ils voulaient savoir ce qu'ils pouvaient apprendre d'elle, de ses qualités et de ses faiblesses.

Les Secrets du Kayak : Quand tu pars en Nouvelle Zélande, tu y pars en qualité d’entraîneur ?

Jean-Pascal Crochet : C'est François qui me propose le poste et j'y vais en tant qu'entraîneur, je n'était pas l'entraîneur de Sarah mais je la connaissais et je l’entraînais souvent.

J'aime à penser qu'elle était ok avec ça. Elle était partie six semaines en tout.

Quand je rentre il n'y a plus le pôle de Toulouse en sprint, mais je suis responsable des pôles de Toulouse et de Pau.

Je reste entraîneur vacataire avec l'équipe de sprint. Il n'y avait plus d'entraîneur attitré du sprint à cette période.

Les changements des directions sont assez réguliers sur le pôle de Toulouse.

La moyenne de vie d'un DTN, c'est deux ans et demi. Moi j'en ai connu trois.

L'instabilité que tu ressens c'est que pour ce pole, et pour les directeur du pole de l'équipe de France, ils durent entre quatre et huit ans, sauf celui qui a voulu que j'arrête qui a fait que trois mois.

C'est pas une priorité que le pôle de Toulouse soit un pôle de sprint. C'est Antoine Gauthier, qui a décidé qui sont les pôle France.

Aujourd'hui, il y a le gros pole olympique et paralympique à Vaires.

Ensuite ce sont des pôles de performance : c'est à dire créer des foyers avec un groupe d'entraîneurs et d'athlètes d'une même catégorie, du niveau à peu près similaire pour s'entraîner ensemble et créer une émulation, pour apprendre en technique, en physique, et surtout les aspects mentaux.

C'est le groupe qui va faire que tu vas progresser.

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Les Secrets du Kayak : Comment tu as fait pour être coach des équipes de France ?

Jean-Pascal Crochet : Moi je suis responsable des pôles de Toulouse et Pau, François me demande de travailler avec lui de temps en temps.

Et le DTN me propose le poste, alors que je n'avais jamais postulé pour être directeur des équipes de France. Sauf, quand François During a été nommé coach, un an avant que je le devienne.

Et quand j'ai dit oui, je me suis demandé ce que devenais François, je voulais travailler avec lui !

Ce travail consiste a rester entraîneur, rester proche des athlètes, comment alimenter mes idées pour définir une stratégie qui colle au terrain.

Et après, j'aide les athlètes et les entraîneurs à être performants pour que les athlètes atteignent leurs objectifs.

Le tout payé par l'état, donc il faut gagner des médailles olympiques.

Tous les ans, une fois par an il y a un entretien avec tous les athlètes qui sont allés au championnat du monde senior.

Projet Performance Individualisé : il m'explique son projet, comment, pourquoi, ce qu'il aimerait faire. Moi je les questionnent, j'essaye de les remettre en question avec un œil extérieur. Maintenant, au fur et à mesure, j'essaie de redonner aux entraîneurs de l'écoute, et qu'ils expriment par leur potentiel le projet de l'athlète, qu'ils développent leurs idées.

Il faut apporter de la nouveauté et enrichir le projet de l'équipe de France. Parfois ça met du temps, pour des questions de budget, de politique, des fois en laissant faire ça arrive bien plus vite qu'en force.

Dans mon rôle de head-coach , ce n'est pas moi qui sélectionne les athlètes, c'est le DTN (Directeur Technique National) moi je lui fais une proposition argumentée qu'il valide ou pas, en m'interrogeant.

Des fois il y a eu des petites batailles au sein de l'équipe des entraîneurs. Et moi je ne veux plus de ça.

Je veux que chaque entraîneur soit à fond dans le projet du sportif. Chacun doit être à sa place, les entraîneurs doivent être libérés de la pression que les athlètes pourraient leur faire pour être sélectionné.

Et le fait de ne pas les avoir au quotidien en entraînement, c'est plus facile et plus juste pour moi.

Après ce n'est pas marrant de dire à quelqu'un « tu sors », mais le but de ça c'est de participer à un objectif global, ce n'est pas personnel.

C'est l’intérêt de l'équipe de France avant toute chose. Et c'est dans l’intérêt des sportifs.

Tu as interviewé des athlètes qui ont précisé ne pas avoir compris pourquoi ils sont sortis, pourtant ils savaient pourquoi ils étaient entrés.

Mon seul objectif c'est la performance du K4, que l'équipe de France soit performante et je n'ai pas envie de faire du favoritisme.

Les critères sont partagés, les critères de sélection sont objectifs et je m’appuie sur ça. Ce sont les courses de sélections, les opens, les finales d'open, ou les compétitions internes.

Je m'appuie sur des critères de performance, donc j'ai donné de la valeur à des courses.

C'est une responsabilité que j'assume et les critères sont annoncés, partagés, donc les athlètes savent ce qu'il faut faire pour rentrer.

Être champion du monde c'est un objectif mais là il faut les aider à mettre en place la stratégie, en m'appuyant des athlètes et des entraîneurs, c'est là que se joue mon rôle.

Mon objectif reste le même. Et j'espère qu'on pourra réussir ensemble.

Pour finir sur la technique et c'est avec Maxime Beaumont que j'en ai discuté : plus tu en fais, plus tu crois savoir et finalement moins tu sais.

Maxime est un monstre de détermination et il me dit qu'à force de tout savoir il sait moins de chose qu'avant.

Sur la technique, il faut jouer sur les détails et avoir une intention assez large pour développer sa technique pour mieux faire glisser le bateau.

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