Comment prendre de la force en Kayak ?
Comment prendre de la force en Kayak est une question qui revient inlassablement, comme si cela était la qualité indispensable à développer pour aller plus vite sur l’eau.
Dans mon article sur les bases de la musculation en kayak, j’ai exposé mes idées sur la question et notamment les limites de la recherche du développement maximale de la force en musculation mais aussi dans mon article sur l’endurance de force, des limites du développement de celle-ci.
L’idée aujourd’hui est de voir plus concrètement ce qui permet de développer la force en salle de musculation, de lister ce que j’estime être la “voie” à suivre au vu de mon expérience.
Bien sur, il n’y aura pas de recettes magiques mais il importe de savoir ce que nous “racontent” les dernières tendances qui nous viennent notamment du milieu de la force athlétique là où le développement de la force est ce qui est jugé.
1 - Pourquoi vouloir prendre de la force ?
La force, c’est la capacité à se mettre en mouvement, à bouger. Ce n’est ni plus, ni moins que ca mais ce qui nous intéresse ici, c’est le développement de la force maximale que l’on définit entre 80 et 100% de son maxi, c’est à dire avec des séries comprises entre 1 et 6 répétitions.
Beaucoup de kayakistes croient que plus ils vont soulever lourd en musculation, plus ils iront vite sur l’eau. Cela est d’ailleurs parfois colporté au fil des podcasts disponible sur le site pour expliquer la supériorité, sans parler de dopage ou d’entraînement, de certaines nations.
Récemment, je discutais avec Philippe Renaud, médaillé en C2 aux Jeux Olympique de Séoul en 1988 avec Joel Bettin, qui me racontait qu’un de ses amis allemand, plus fort que lui sur l’eau, pouvait faire 10 répétitions à 120 kg au développé couché quand il s’agissait de son maxi pour lui.
Est-ce pour cela qu’il allait plus vite sur l’eau ? C’est peut être un facteur mais pas l’unique à mon avis.
Toutefois, personne ne peut nier qu’un certain niveau de force soit indispensable pour performer en kayak, ne serait que pour pouvoir tracter suffisamment d’eau à chaque coup de pagaie et pouvoir utiliser un braquet, une pâle plus grosse.
Car sans débat, “l’appui” sera toujours gagnant en regard de la fréquence sur de courtes distances. On peut toujours augmenter la fréquence quand on est en appui, tandis que lorsque l’on est déjà en fréquence, c’est fichu !
C’est pourquoi j’estime qu’un niveau minimum de force est requis pour performer, en regard de son poids de corps et de ses leviers (la longueur de ses bras, de ses jambes comme abordé dans mon article sur la meilleure morphologie en kayak).
Cela est d’ailleurs confirmé par l’expérience personnelle de Guillaume Berge, actuellement entraineur national des kayak dames, dans l’épisode 22 des Secrets du Kayak qui dit avoir fait un bond et avoir réussi à fixer sa main supérieure du moment où il a réalisé 100 kg au développé couché :
Dans les manuels de l’ICF, que je cite régulièrement, il est indiqué que les niveaux de force requis sont les suivants pour performer à haut niveau :
Pour les femmes : (Maxi au développé couché + Maxi au tirage planche) / poids du corps = 2,4
Pour les hommes : (Maxi au développé couché + Maxi au tirage planche) / poids du corps = 2,7
Par exemple, si je suis une femme de 60 kg et que je fais 80 kg au développé couché et 80 kg au tirage planche, cela donne 2,66 soit au dessus des “normes” de force ICF. Est-ce qu’aller chercher encore plus de développement de la force maximale a un intérêt ici ?
Un autre exemple, si je suis un homme de 75 kg et que je fais 110 kg au développé couché et 100 kg au tirage planche, cela donne 2,8 soit également au dessus des normes.
Pour être dans les “normes”, il faudrait pour les mêmes exemples, faire environ 70 kg au développé couché et au tirage planche pour une femme de 60 kg et environ 100 kg sur chaque pour un homme de 75 kg.
Evidemment, cela ne tient pas compte des leviers, c’est à dire de la longueur des bras qui compte énormément dans la démonstration de force. Plus j’ai de longs segments, plus ce que je pousse et tire est à majorer car je développe plus de force pour le même poids soulevé (Une question de levier).
Ces ratios ne sont que des indicateurs mais permettent toutefois de démontrer qu’un certain niveau de force maximale est requis mais loin de ce que l’on pourrait imaginer.
Toutefois, cela me semble assez réducteur de ne tenir compte que de deux exercices.
2 - Comment s’organise un entrainement pour prendre de la force ?
Dans l’excellent livre de Benjamin Del Moral “Préparation physique et prophylaxie”, il est expliqué que la préparation physique s’organise autour de pattern de mouvement.
Au lieu de réfléchir en terme de sollicitation musculaire, on part du principe inverse à savoir que les exercices solliciteront forcément les muscles que l’on souhaite développer.
Dans une optique de développement musculaire optimale, de PPG et de prévention des blessures, c’est selon moi une erreur car le recrutement musculaire varie énormément en fonction des individus (Cf le Tome 1 et 2 de la Méthode SuperPhysique) et si l’on n’en tient pas compte, c’est la porte ouverte à la création de “zone de fragilités”.
On identifie donc six catégories de mouvements :
Les mouvements de poussées verticaux comme les développés pour les épaules, bras au dessus de la tête
Les mouvements de tirages verticaux comme les exercices de tractions à la barre
Les mouvements de poussées horizontaux comme les développés pour les pectoraux
Les mouvements de tirages horizontaux comme le tirage planche et autres exercices de rowing
Les mouvements de flexion / extension de genou comme le squat et ses variantes
Les mouvement de flexion / extension de hanche comme le soulevé de terre et ses variantes.
C’est à partir d’eux que s’organisent la construction d’un programme de musculation en préparation physique notamment pour prendre de la force.
Tous les exercices de musculation peuvent être classés dans l’une de ses catégories, en dehors des mouvements d’haltérophilie qui sont un combinés de ces patterns et dont leurs intérêts me semble exagérer dans la pratique de nombreux sports au vu de la technique à acquérir et des dangers potentiels d’une mauvaise exécution avant de bénéficier d’un possible transfert dans l’activité en question.
Il me semble indispensable dans une optique de renforcement global d’imposer un minimum de force à chaque catégorie de mouvement afin d’être le plus “fonctionnel” possible et d’être véritablement un athlète.
Voir des athlètes avoir un niveau confirmé sur le haut du corps mais un niveau sédentaire sur le bas du corps ne peut amener que des blessures. Pour moi, c’est une des raisons principales des hernies discales en kayak, de ne pas avoir de hanches “fonctionnelles”, c’est à dire de muscles suffisamment fort autour pour encaisser la répétitions des mouvements qui au final est “encaissé” au niveau lombaire, le gainage de la ceinture abdominale et lombaire ne pouvant être suffisant.
Il ne s’agit pas, encore une fois, d’être le plus fort possible mais d’avoir un minimum de force.
A partir de là, voici ce que j’estime être un niveau minimum à atteindre selon les catégories en force maximale si je reprends mes exemples cités plus haut d’une femme de 60 kg et d’un homme de 75 kg :
Mouvement de poussée verticale : Développé militaire debout : 45 kg et 66 kg
Mouvement de tirage vertical : Traction en pronation : 80 kg et 95 kg (poids de corps compris soit lesté à 20 kg)
Mouvement de poussée horizontale : Développé couché : 70 kg et 100 kg
Mouvement de tirage horizontal : Tirage planche : 70 et 100 kg
Mouvement de flexion / extension de genou : Squat avant : 80 kg et 105 kg
Mouvement de flexion / extension de hanche : Soulevé de terre roumain (jambes semi-tendues) : 95 et 120 kg
Bien évidemment, j’ai pris des exemples d’exercices dans chaque catégorie qu’il convient d’individualiser en fonction de vos besoins et notamment d’une analyse de votre morpho-anatomie et de vos capacités de mouvements (Ce que je peux réaliser au besoin - Dans ce cas, n’hésitez pas à me contacter) mais l’essentiel est, à mon sens, d’avoir un exercice repère pour chaque catégorie afin de pouvoir se tester plusieurs fois dans l’année afin d’évaluer ses progrès en force max si c’est ce qu’il vous manquait le plus (Cf mon article sur la PPG en Kayak).
Si vous souhaitez savoir quel niveau vous devez atteindre en fonction de votre sexe et de votre poids de corps, je vous invite à faire les calculs avec l’outils “Etes-vous fort ?” de mon site SuperPhysique. J’ai utilisé comme repère la deuxième colonne du niveau intermédiaire.
Cela n’est certainement pas suffisant pour construire un programme complet mais donne au moins les bases.
3 - Fréquence, Volume et Intensité
Lorsque l’on souhaite prendre de la force, il est question de nombre de séries, de répétitions mais aussi d’intensité et de fréquence d’entraînement.
Nombres d’athlètes avec qui je travaille sont désarçonnés quand je leur recommande de ne pas aller à l’échec à chaque série, de ne pas tout donner et de s’en tenir au plan, à ce que l’on a programmé.
J’ai, le premier, pensé à tort que plus que je forçais et plus j’allais progresser et j’ai du me rendre à l’évidence que c’était là où je forçais le “moins” que je progressais le plus.
Ce qu’il faut savoir, c’est que la fatigue, l’arrêt d’une série qu’on aurait pousser au maximum de ses capacités n’est pas dû à nos muscles, à nos réserves énergétiques, à un manque d’acétylcholine (le neurotransmetteur de la contraction musculaire), à une production trop importance de chaleur, à un manque d’oxygène où que sais-je encore.
L’arrêt d’une série est dû à ce que notre cerveau estime être nos capacités. Nous ne sommes jamais à court de réserves énergétiques, nous ne sommes jamais à court d’oxygène et nos muscles sont loin d’être fatigués.
J’ai réellement pris conscience de cela, avant de m’intéresser à la théorie du gouverneur central, avec l’utilisation de l’électrostimulation en musculation qui m’a démontré en 2006 qu’après une série où je croyais avoir été à l’échec musculaire, que mes muscles étaient comme neufs.
Ce que je crois aujourd’hui est que l’on doit faire équipe avec son corps.
Nous avons de nombreux capteurs que ce soit au sein de nos muscles, de nos tendons, de nos articulations… Notre peau est un capteur géant également et nous sommes régis par les signaux que ces capteurs envoient à notre cerveau et vice versa.
Quand nous débutons la musculation, nous réduisons que ce nous appelons le “déficit” de force en apprenant à utiliser nos muscles et nos fibres musculaires en même temps. C’est un “gain” nerveux ou plutôt une désensibilisation de certains de nos récepteurs pour nous laisser démontrer plus de force.
Nos organes tendineux de golgi, situés donc dans les tendons, vont “laisser” passer plus d’influx nerveux. Nos fuseaux neuro-musculaires vont nous laisser utiliser plus d’amplitude. Nos baro-récepteurs vont nous laisser monter plus haut en température…
C’est pourquoi quand on parle d’intensité, pour ma part, il convient de prendre en considération le pourcentage du maxi que j’utilise et surtout la notion de RPE, c’est à dire d’une échelle de difficulté subjective qui consiste à noter pour chaque exercice, à la fin de ses séries “combien de répétitions pouvais-je, je pense, encore faire ?” afin de réguler sa planification à l’instar de l’application SP Training qui fait automatiquement.
Si l’on doit faire équipe avec soi-même, on comprend bien que la “désensibilisation” à la fatigue n’est qu’une histoire de progressivité et bien que sur le court terme, forcer le plus que l’on peut puisse fonctionner chez certaines personnes, cycler l’entraînement au RPE est selon moi la meilleure façon de faire pour prendre de la force.
Il ne s’agit pas de brusquer son organisme mais de lui soumettre une idée, celle de devenir plus fort.
Ces mécanismes d’inhibitions existent pour nous protéger de nous-même, pour nous empêcher de nous faire mal, pour nous empêcher de forcer car nous sommes le fruit de notre évolution, de mécanismes de survies.
Si je n’ai pas besoin de certaines capacités, celles-ci sont mises en sommeil.
C’est pourquoi plus je m’entraîne en cherchant à progresser et plus je peux aller loin dans l’utilisation de mes ressources et parfois même me surprendre.
Mais c’est aussi pour cela qu’aller à l’échec en musculation n’a aucun sens, ni fondement physiologique, quelque soit ce que l’on souhaite développer. A la rigueur, pour un test mais sinon ?
Si je ne dois pas forcer à fond mais tout de même utiliser 80 à 100% de mon maxi pour prendre de la force, améliorer ma force maximale, puis-je au moins faire beaucoup de volume ? Cela a-t-il un sens ?
Nous avions parlé dans mon article sur les bases de la musculation pour le kayak de la table de Prilepin que je souhaiterais revisiter avec vous.
En effet, celle-ci a été développée, à la base, pour l’entrainement haltérophile et non pour le développement de la force max.
En clair, quel volume puis-je faire à différentes intensités que l’on définit ici donc par le RPE qui est légèrement tronquée par rapport à ma définition plus haute en regard de la perception de la difficulté de l’effort à des charges presque maximale :
Ceci correspond au volume par pattern de mouvement et s’entend avec un temps de récupération d’au minimum trois minutes entre chaque série.
Ainsi, en se servant de ce tableau, on peut imaginer une progression sur 3 semaines qui seraient 5 séries de 5 répétitions à 80% la première semaine, puis 4 séries de 6 répétitions à la deuxième pour finir par 3 séries de 7 répétitions à la dernière ou alors 5x5 à 80% en première semaine, puis 4x5 à 85% en deuxième et enfin 3x4 à 90% en troisième.
Un nombre de série plus élevé peut également s’envisager en début de cycle en faisant plus de séries si on sort d’une période intensive avec, par exemple, 6 séries de 4 à 80% ou 6 séries de 3 répétitions à 85%.
Il ne s’agit pas de faire le plus de volume possible à un certain pourcentage mais juste ce qu’il faut pour se désensibiliser et envoyer le bon signal à notre cerveau, que tout va bien, que l’on est en sécurité et qu’il peut déverrouiller une porte.
Quant à la fréquence, elle dépendra du RPE. Plus je force et moins je pourrais en faire souvent.
Une fréquence de sollicitation des mêmes patterns de mouvement une à deux fois par semaine est suffisante et est, selon moi, l’idéal en plus de tous les entraînements effectués à côté en bateau, en course à pied ou autres activités.
L’idée est que les séances servent la progression et non qu’elles génèrent de la fatigue parce qu’on en a fait trop par rapport à ses capacités actuelles. Cela n’a aucun sens, mais vraiment aucun.
Combler le temps pour combler le temps, non merci.
Or, aujourd’hui la tendance est à l’entrainement à haute fréquence en musculation pour prendre de la force car plus on répète un mouvement et plus on y progresse grâce à une désensibilisation accélérée mais les gains “nerveux” sont aussi ceux qui se perdent le plus rapidement.
Si vous faisiez de la force athlétique, faire 3 fois par semaine les mêmes mouvements auraient du sens mais dans une optique de préparation physique, bien que les facteurs nerveux soient à prendre en compte, il n’en reste pas moins vrai que le but de prendre de la force en musculation et que cela crée un potentiel exploitable ensuite sur l’eau.
Comme la “force nerveuse” est spécifique à un pattern de mouvement, il ne faudrait pas tomber dans le piège de vouloir devenir le plus fort possible sous les barres pour “rien” ! En clair, on s’en fout du maxi au développé couché en tant que tel.
Pour se faire, cela doit passer parce qui reste le plus et qui exploitable, transférable, à savoir les muscles, par prendre du muscle et possiblement un travail de force endurance qui se situe, pour rappel, entre 50 et 80% de son maxi avec des séries de 8 à 20 répétitions :
Bien évidemment, certains ont peur de prendre “trop” de muscle. Il faut dire que l’abus de sport durant l’enfance et l’adolescence plus de bons gênes facilitent la prise de muscle et il ne faudrait pas s’alourdir pour s’alourdir.
Alors comment prendre du muscle qui servent en bateau et donc générer du potentiel de force exploitable sur l’eau ?
4 - Comment prendre du muscle utile ?
Pour prendre du muscle, il faut combiner ce que nous appelons les 3 facteurs de l’hypertrophie musculaire :
Le premier est la charge que l’on utilise, c’est à dire la tension mécanique qui va réguler la force de contraction.
Le deuxième, c’est le temps sous tension durant la série et durant la séance. On estime, en moyenne, qu’il faut qu’une série dure entre 30 et 60 secondes pour que les progrès sous les barres soient proportionnels (par rapport à soi) à la prise de muscle.
Enfin, le troisième, c’est la progression. Il est facile de comprendre que si toute l’année, je m’entraine pour refaire les mêmes barres que l’année précédente, cela est de l’énergie gâchée car maintenir son niveau demande beaucoup de travail que d’essayer de progresser avec toute la mise en place que cela impliqué.
Je connais des athlètes qui font les mêmes barres depuis 10 ans et qui s’acharnent malgré tout plusieurs fois par semaine à essayer de progresser.
Outre un possible problème dans la méthodologie d’entrainement, il va sans dire que cela est une perte de temps et d’énergie qui pourrait être consacrée à d’autre chose comme un travail respiratoire, un travail articulaire…
Mon entrainement doit amener des progrès sinon autant en faire peu car maintenir son niveau nécessite peu de travail, à moins de commencer à bien vieillir.
A partir de là, on estime donc que pour prendre du muscle, les séries doivent être comprise entre 8 et 20 répétitions pour que les facteurs musculaires soient le principal facteur limitant :
Une fois que l’on a compris cela, c’est facile sauf que cela va forcément amener un gain de poids.
Pour la majorité des pratiquants de musculation qui n’ont pas de gros antécédents sportifs comme cela est mon cas, il faut des années et des années pour réellement se transformer malgré l’application sur le terrain des ces facteurs mais pour des personnes ayant les bons gênes et ayant commencé au bon moment, au bon endroit et avec les bonnes personnes, la prise de muscle se fait bien plus rapidement.
En ce sens, il faut donc se demander comment limiter cette prise de masse musculaire tout en développant une force musculaire exploitable sur l’eau, moins dépendante nerveusement du pattern de mouvement.
Classiquement, en musculation, certains aiment distinguer le développement de la masse et le développement du volume musculaire. Pour rappel, nous avons vu de manière simplifiée les différents composants du muscle dans mon article sur l’endurance de force qui sont :
Développer la masse serait fait en mettant l’accent sur le développement des éléments contractiles, les sarcomères tandis que développer son volume musculaire serait de développer les autres composants.
Evidemment, cela est une différenciation assez simpliste car il n’est pas possible d’isoler un élément en particulier de la cellule musculaire quelque soit la méthodologie qu’on applique.
En effet, il faut savoir que la taille du sarcoplasme est proportionnel à la place qu’occupent les sarcomères comme j’en parle dans mon article sur la différence entre la masse et le volume en musculation.
Toutefois, les pourcentages des différents composants peuvent varier en fonction du type de fibres, à savoir si elle est lente ou rapide avec les nombreuses variantes qui existent.
Si le but est de développer un potentiel de force exploitable dans quelconque activité que ce soit, je suis personnellement pour minimiser au maximum les effets secondaires de l’entraînement que sont les courbatures.
Je sais que certains et certaines jugent la qualité d’une séance par leurs survenues mais il faut savoir que bien souvent, elles sont un signe que l’on a dépassé ses capacités de mouvements. De plus, si elles sont trop fortes, elles deviennent handicapantes pour la pratique sportive en limitant nos faits et gestes.
Cela n’a donc aucun sens. A ce sujet, les courbatures sont un terme générique qu’il faut savoir décrypter à l’instar d’un mal de pied, d’un mal de dos… comme je l’explique dans mon article sur les courbatures en musculation.
Comment donc minimiser les “dégâts musculaires” et la prise de muscle d’une séance de force endurance tout en créant tout de même un potentiel utile ?
Laissez-moi intégrer la notion de tonnage.
La force-endurance, c’est notre capacité à maintenir un certain niveau de force, compris entre 50 et 80% de notre maxi pendant 15’’ à 1’, répétée plusieurs fois.
Classiquement, on ferait 5 séries de 10 répétitions d’un exercice autour de 70% de son maxi avec 3’ de récupération, ce qui donnerait 50 répétitions x 70 kg soit 3500 kg en terme de tonnage (en prenant l’exemple que la personne réalisé 100 kg pour une répétition) en 14 minutes si on estime que chaque répétition dure 3 secondes (en étant sympa sachant que c’est sans doute moins vu que l’on est en musculation sportive et qu’il faut exploser, du moins en avoir l’intention) et que l’on prend 12 minutes de récupération au total (3 minutes entre chaque série, 3’ après la première série, après le deuxième, après la troisième et après la quatrième).
D’expérience, cette séance donnerait des courbatures après coup, souvent peu importante mais sait-on jamais que l’exercice ne soit pas adaptée à votre morpho-anatomie et à vos capacités de mouvement.
Imaginons maintenant qu’au lieu de faire des séries de 10 répétitions, je choisisse d’utiliser la même charge pour faire des séries de 5 répétitions et qu’au lieu de prendre 3 minutes de récupération, puisque l’effort est facile (du moins au début), je ne prenne qu’une minute.
Si je fais 10 séries qui vont durer 15 secondes chacune, en estimant grossièrement que chaque répétition va durer 3 secondes ce qui ne sera surement pas le cas, je vais réaliser 50 répétitions à 70% (kg pour l’exemple) soit 3500 kg en 12’30.
Soit 1’30 de moins pour le même tonnage tout en minimisant la fatigue qu’implique cette séance de force endurance.
Je parierais même d’expérience que cela passera avec de la marge (un RPE moindre) et que vous pourrez mettre plus lourd sur le même laps de temps, soit être doublement gagnant.
Alors certains et certaines pourraient dire que les adaptations ne seront pas les mêmes qu’en faisant des séries de 10 répétitions, ce que je conçois mais à l’instar de l’entraînement polarisé, ce que je souhaite, c’est compartimenter au maximum pour développer ce que je souhaite développer et créer du potentiel.
Je ne suis pas en salle de musculation pour exploiter mon potentiel mais pour en créer.
Nous devons distinguer des phases et des modalités d’entraînements pour créer du potentiel et pour l’exploiter et là, ce que je souhaite, c’est en créer.
Ce que je souhaite ici, c’est prendre maximiser le développement des éléments contractiles de la cellule. Développer de nouveau capillaire ou l’efficience mitochondriale n’est pas mon but car dans ce cas, c’est de l’endurance de force qu’il faut faire (Cf mon article sur l’endurance de force).
De plus, ce type a l’avantage de réduire les risques de blessures car le fait de faire des séries plus courtes et faciles va permettre de garder une bonne technique d’exécution, ce qui est un point faible dans de nombreuses disciplines sportives où les prescripteurs de séances n’ont aucune expérience de ce qu’est la technique à adopter pour les exercices de musculation.
C’est comme cela que j’en arrive à voir des horreurs régulièrement sur les réseaux sociaux.
Egalement, en utilisant des charges sous-maximales, je contribue à réduire encore mon risque de blessures car vous n’êtes sans savoir que plus je mets lourd sur une barre et plus les risques sont importants.
Cette méthodologie d’entrainement vous permettra ainsi de gagner en force endurance mais aussi en force maximale car si les charges sont suffisamment élevées et elles le seront (On peut imaginer un 10 séries de 4 répétitions à 75% avec 1’ de récupération, soit un 10x4 à 80% avec 1’30), le transfert vers des pourcentages plus haut sera important.
Si vous progressez sur votre 8 ou 10 RM, même indirectement avec ce type d’entraînement, il y a de fortes probabilités que cela se répercute sur votre 5 RM.
Mais en ayant progressé avec de nombreuses séries et un faible nombre de répétition, vous serez moins musclé que si vous aviez emprunté la voie classique mais c’est bien du muscle “efficace” que l’on souhaite, non ?
5 - Quid de l’entrainement excentrique et du travail de l’explosivité ?
Dans l’épisode 82 des Secrets du Kayak, avec Anne Michaut qui est passée par le centre d’expertise et de performance de Dijon dont je ne peux que vous conseiller leurs livres pour l’ouverture d’esprit et l’enrichissement de vos connaissances théoriques, nous avons abordé le sujet de l’entraînement excentrique (entre autre) :
Si on analyse l’activité du Kayak et du Canoe, on s’aperçoit rapidement qu’il s’agit exclusivement de contraction musculaire de type concentrique.
Il n’y a aucune phase où l’un de nos muscles seraient étirés contre une résistance.
Alors comment expliquer les gains dont parle Anne et dont certains et certaines athlètes m’ont parlé ?
Lorsque l’on parle d’entraînement, il faut avoir en tête que le bon conseil dépend du bon contexte. Autrement dit, il n’y a de réponse universelle même si on tend à généraliser pour la compréhension du plus grand nombre.
Or, quand on a une bonne dizaine d’année d’expérience dans l’entraînement, vous le savez aussi bien que moi, les progrès sont minimes, voir inexistants. On s’entraine pour espérer progresser mais on fait la même chose chaque année avec de la chance.
On répète les mêmes entraînements en espérant des résultats différents, une hérésie en soi.
C’est pourquoi il faut avoir en tête qu’à un moment, le meilleur stimulus qui soit est celui qu’on ne fait pas, qu’on a jamais fait.
Même si l’activité est exclusivement concentrique, il n’empêche que l’entraînement excentrique va permettre un renforcement différent, l’effort étant supra-maximal et supporté, qui plus est, par moins de fibres musculaires (Cf la relation tension-longueur qui explique que moins de liaison entre l’actine et la myosine peuvent se faire lorsqu’un muscle est étiré mais c’est sans compter sur l’intervention accrue de la titine, le troisième myofilament).
On en retirera donc des bénéfices.
Concrètement, comment le mettre en place sachant que plus les charges sont lourdes, plus le risque de se blesser est accru et que l’on a toutes les difficultés à contracter ses muscles en excentrique puisqu’on ne le fait que très rarement ?
L’idée lors de l’entraînement excentrique est d’utiliser des charges supérieures à son 1 RM mais on peut imaginer commencer en fin d’entraînement classique, notamment lors d’un cycle de force endurance avec des charges sous-maximales pour quelques répétitions puis monter progressivement au fur et à mesure des séances.
Dans la littérature, il est parfois expliqué que l’on pourrait “retenir” jusqu’à 140% de son maxi pour une répétition excentrique mais dans la pratique, cela est compliqué à mettre en place car il implique d’avoir deux bons partenaires d’entraînement prêt à sacrifier leurs séances personnelles.
Toutefois, il existe des machines guidées qui permettent de programmer la charge lors de la phase positive et négative afin de réaliser le fameux 120-80 décrit dans les ouvrages de Gilles Cometti mais à plus de 10 000 euros la machine, cela est peu accessible.
Heureusement, depuis peu, des poulies iso-inertielles font leurs apparitions sur le marché afin de pouvoir bénéficier de l’entraînement excentrique à moindre coût (cela commence autour de 1000 euros).
Celles-ci réduisent grandement le risque de blessure car la résistance est continue et sans “trou” à l’inverse d’un mouvement classique avec barre et haltères.
De plus, elles permettent de réaliser cet entrainement excentrique seul sans l’utilisation de partenaires d’entraînement.
Venant de m’en procurer une, je vous en ferais un retour sous peu pour aborder sans doute plus en détail l’entraînement excentrique, sait-on jamais que je fuse comme un requin sur l’eau.
La mise en place progressive de répétitions excentriques en fin d’entraînement pour commencer puis en début de séance avec le temps peut donc être une idée intéressante pour les pratiquants confirmés afin de déclencher de nouvelles adaptations.
On parle d’ailleurs d’immunisation lorsque l’on ne réagit plus à un stress, un sujet que j’aborde dans le Tome 3 de la Méthode SuperPhysique.
Un autre type d’entraînement qui peut être intéressant, c’est le travail de l’explosivité, autrement dit d’amélioration de la vitesse de montée en force que la littérature anglo-saxonne nomme RFD (Rate of Force Developpment).
Pour prendre de la force, beaucoup des écrits se basent sur les travaux d’un scientifique Vladimir Zatsiorsky qui en 1966 a codifié trois façons de prendre de la force :
La méthode des efforts maximaux dont nous avons longuement parlé en début d’article et où les répétitions excentriques se classent.
La méthode des efforts répétés qui sont les efforts de force-endurance
La méthode des efforts dynamiques là où on réalise des efforts explosifs.
En effet, dans de nombreuses activités sportives, ce n’est pas un manque de force qui est le problème mais le temps d’arriver de cette force par manque de travail de la vitesse de propagation de l’influx nerveux.
Si on ne fait jamais d’entraînement à haute vitesse, il est normal de ne pas être rapide. Bien sur, la vitesse a une grande part de génétique et son amélioration via l’entraînement est faible mais cela peut être utile pour ceux ont déjà des années de pratique derrière eux et qui stagnent peut être dans leurs développements de la force.
Je peux échouer non pas parce que je manque de force mais parce que je suis “lent”.
On doit à Louis Simmons, un pratiquant et entraineur légendaire de force athlétique d’avoir codifié le développement de la force pour la discipline du powerlifting au sein de sa méthode “Le Westside Training Barbell” où il conseille d’alterner judicieusement des séances d’efforts maximaux avec des efforts dynamiques.
Si le sujet vous intéresse plus particulièrement, je vous invite à lire mon article sur le Westside Training Barbell.
L’idée est d’inclure des séries très courtes (entre 2 et 4 répétitions) à de faibles pourcentages de sa charge maximale, entre 40 et 60%, voir d’utiliser des bandes élastiques (seules ou en plus) afin d’améliorer sa raideur musculo-tendineuse et son RFD afin d’être plus rapide.
Toutefois, le caractère non-spécifique du travail de son explosivité sur des mouvements de musculation me laisse à penser que cela est peu intéressant pour la pratique du kayak à moins que ce travail soit fait sur un appareil de type Catch Force où on pourra aussi réaliser un travail de force endurance spécifique, voir de force maximale spécifique aussi avec un transfert sans discussion possible.
Ce travail d’explosivité doit se faire en début de séance lorsque l’on est à 100% de ses capacités après un bon échauffement. On peut l’imaginer avec des exercices au poids du corps comme des pompes claquées, des tractions délestées ou encore des squat jump par exemple.
Dans tous les cas, vu le peu de temps que cela prend, cela ne coûte rien d’en inclure, ne serait-ce que pour maintenir sa vitesse de montée en force.
Cela aura également le mérite, si vous utilisez des capteurs de vitesse, de vous aider à déterminer votre forme du jour comme j’en parle dans mon article sur l’auto-régulation de l’entrainement.
6 - Exemple de séance pour prendre de la force
En partant du postulat que l’entrainement en force endurance est préférable pour beaucoup à l’entrainement en force maximale pour prendre de la force, je vous propose un exemple de séance afin de recontextualisé ce dont nous venons de parler.
Evidemment, aucune personnalisation n’est de mise car sans une analyse morpho-anatomique et articulaire, il m’est impossible de savoir vos besoins précis.
Il m’est également impossible de la périodiser précisément sans connaître votre plan, voir le gérer.
Toutefois, voici un exemple concret de ce que nous venons de voir :
Rapidement, la séance est axé sur les patterns de mouvements horizontaux pour le haut du corps.
Le développé incliné s’explique par une sollicitation accrue du deltoide antérieur que l’on retrouve fortement en kayak et qui peut être un point faible chez certains.
L’utilisation du tirage planche ne fait pas débat.
Par contre, dans un entrainement classique de préparation physique suivent souvent des exercices dits d’assistance destinés à aider à progresser sur les mouvements principaux.
Ici, j’ai estimé que les triceps étaient le facteur limitant au développé incliné d’où le choix des dips et le grand dorsal était le facteur limitant au tirage planche. Il aurait évidemment pu en être autrement.
Enfin, à mes yeux, chaque séance doit se faire par du gainage, ici avec un travail d’anti-rotation et d’anti-extension qui sont prédominants dans la pratique du kayak.
Ce n’est qu’un exemple à adapter mais qui, j’espère, vous permet d’y voir plus clair.
On pourrait imaginer y rajouter un travail d’explosivité en début de séance à l’aide de 2 à 3 séries de 2 à 4 répétitions sur un exercice de poussée horizontale et sur un exercice de tirage horizontal, en plus bien évidemment d’un travail de préhab en fonction des besoins de chacun et de chacune.
7 - Conclusion sur comment prendre de la force en kayak
Dans cet article, nous avons vu ce qu’était la force maximale et les limites de la course à son développement dans la performance sportive.
Bien sur, elle peut faire partie des facteurs déterminants jusqu’à un certain niveau mais au delà, on peut se demander la pertinence de continuer à chercher à l’accroître, surtout dans une activité où prédominent l’endurance de force et la force endurance.
D’autant plus quand on s’entraîne pour réaliser les mêmes performances chaque année.
Toutefois, diverses méthodologies peuvent être essayer afin de débloquer la situation si l’on manquait de force comme l’entraînement excentrique ou l’entrainement des efforts dynamiques.
Toutefois, je crois que l’utilisation du travail de force-endurance pour la majorité est largement suffisant pour atteindre les niveaux de force requis, après quoi, il suffira peut être seulement de maintenir sa force tout en essayant de développer d’autres composantes de la performance, celles-ci étant nombreuses.
J’espère en tout cas vous avoir éclairé sur comment prendre de la force en kayak.
A bientôt à l’écrit ou à l’audio,
Rudy